Seul, le geste compte
– ni sa cause ni son effet. Au creux de l’instant, ainsi abrité des mouvements
du temps, je peux respirer – vivre ? Ainsi, d’un pas léger et sûr, je peux
rejoindre mon amant. A 500 mètres, sa maison. A son collège, tourner à droite.
En sortant de la voiture, le soleil froid de cette fin d’après-midi noie le
cimetière où il repose d’un rouge sanguin. Ce quartier était celui de Che-Nen.
Etrangement, il m’a fallu quelques mois pour comprendre cette singulière
géographie.
Le moment précis –
donc, seul moyen d’y échapper – m’offre le refuge idéal. Lui seul possède ce
pouvoir d’éloigner d’insupportables images : un Che-Nen juvénile, son
cadavre comme seul corps, décharné, décomposé de quelques mois à peine. Ou
encore, ce Che-Nen adolescent aux rêves les plus fous, empâté, englué dans une
vie bourgeoise d’expatrié.
Peut-être même que
mon amant lui-même est devenu mon refuge. Que son désir en moi douloureux
chasse la douleur de cet écartèlement du temps. Et se dire avec entrain – faute
d’en être tout à fait convaincu – que la Vie, logique, se doit toujours de
l’emporter sur la Mort. Au creux de l’instant, un doute persiste néanmoins.