mardi 30 avril 2013

51 - Vendredi 19 avril 2013 (partie 1/5) : obsession


leverForcément, la nuit est fautive. Le doute s'immisce, là...détruit toutes barrières...casse les codes... s'installe par effraction. Ou peut-être est-ce le jour qui – trop policé – ment. Au réveil, les questions sont évidences : ni collègue de travail* ni ex-petit-ami de la nièce* ; Maki a menti.
Justement, ce matin, il sort. L'appartement vide s'offre à moi. Papiers méticuleusement triés, rangés, étiquetés... Maki maniaque. Tant mieux. Une honte me saisit. Le travail est presque trop simple. Vite balayée, la honte, par un résultat : en quelques regards, sous mes yeux, une attestation d'assurance pour ce logement...au nom de Marco T... ! datée de la fin janvier.
La honte reprend le dessus, la peur de son retour aussi : je remets en place tous ses dossiers. Et relit tous les messages sur mon portable de cette période de fin janvier. Maki y semble chaleureux comme à son habitude. D'où vient alors cette duplicité ?
question

vendredi 26 avril 2013

50 - Jeudi 18 avril 2013 : plage

plageSoleil donc plage. Maki décline, sieste pour lui. Au retour, j'apprécie ce quartier nouveau où Maki vit désormais. Je l'imagine aller au travail chaque matin. Rentrer le soir. Monter ces étages sans ascenseur. Dans l'entrée de cet immeuble tout neuf, les boites aux lettres s'alignent. Où donc tombera ma prochaine lettre ? Je cherche son nom... Accolé à son nom par un « ET » : Marco T.... ! Ce même prénom que celui du mot de passe* de la veille !
La porte franchie : « Qui est Marco T.... ? ». Pas de réponse. Maki se concentre à écouter de la musique malgache sur YouTube. Il est 17h00, je prends une douche.  Puis je prépare le repas du soir. Vers 19h30, Maki entre dans la cuisine. Sans que je demande rien, réponds à ma question vieille de deux heures : « Marco T.... est un ex-petit-ami d'Angela. Il voulait vivre ici pour être près d'elle mais tu la connais, elle est pas facile à vivre...Il est reparti à Paris. » Ah bon, ce n'est que ça ? Je m'approche de lui, dépose un tendre bisou sur sa joue, le remercier de cette franchise. Ai-je bien perçu cet imperceptible recul de son visage à mon approche ? Et ce souffle de soulagement très discret qui lui a dégonflé la cage thoracique juste après ? Je dois être parano ! Allez, laisse tomber...
il

jeudi 25 avril 2013

49 - Mercredi 17 avril 2013 (partie 2/2) : restaurant

ensembleLe Croisic peine à sortir de cet hiver. Depuis sept ans que tu me les promets, j'adore ! Peu de clients dans ce restaurant. Maki savoure ses moules-frites. Tout va bien. Le port lui-même, exsangue de ses rares touristes de Pâques, semble bien aller aussi. Les patrons sont aimables, pas encore sous la pression estivale. Le plat est bon. Maki se régale. Dans l'après-midi, nous avons flâné sur le port. Tel un gamin, Maki a voulu ça...et ça...et puis ça aussi. Cela lui a fait plaisir. J'aime lorsqu'il est heureux. Son bonheur est le mien. 




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Le trouble de ce matin* se dissipe à la faveur de cette nuit un peu fraiche. Tout semble aller très bien. Il a quand même fallu que j'attende sept ans ! Il dit ça en se suçant les phalanges pleines de crème. Il dit cela. Il ne dit que cela. Rien d'autre. Il se régale vraiment, sourit. Ses joies d'enfant lui sculptent – ainsi je les entends – un corps idéal. Je l'aime. La vie ne serait donc que cela : acheter, déambuler, consommer, causer. Tout en surface. Mais qui est donc vraiment ce Marco* ?

mercredi 24 avril 2013

48 - Mercredi 17 avril 2013 (partie 1/2) : mot de passe

doubleMaintenant, choisis un mot de passe. Le grand appartement plonge dans le silence de la ville. Maki a voulu s'inscrire sur Skype, pour discuter avec des cousins de Mada et avec toi aussi. Il ne connait rien aux ordinateurs, je l'aide. Cette façon de trouver mon plaisir dans sa satisfaction pallie l'absence de relations sexuelles. Alors, ce mot de passe? Choisis-en un qui te soit très personnel...Son visage noir, juste à côté du mien, me trouble...et dont tu te souviendras facilement. Pas d'anniversaires. Enfin, timidement, il détache les mots, à voix basse : marco – m-a-r-c-o – 090313 – 0-9-0-3-1-3. Ai-je sourcillé ? Non. Visage impassible, donc. Pourtant, Maki justifie son choix par un C'est un collègue de travail sans grande conviction.
Mon regard quitte l'écran, s'attache à ces doigts – tétanisés sur la souris. L'avant-bras, puis l'épaule. Le cou, enfin... Au sourire affecté affiché, sa gêne installe le doute : Maki ment. Nous sommes le mercredi 17. Je me demande pourquoi il ment ainsi. Et aussi s'il sait que j'ai ressenti son mensonge. J'entre son mot de passe, le répète comme demandé puis le compte se crée. L'odeur du mensonge se dissipera peu à peu mais trop tard. A cet instant, l'image de Maki se trouble déjà. Il rit. Content de voir les choses réussir, scrute l'écran avec gourmandise. Mais je ne vois plus Maki lorsque je regarde Maki.
look

dimanche 21 avril 2013

47 - Avenirs

murIl reste calme. Ecoute, Guy...je t'avais dit, il y a un an déjà, que je devais penser à construire ma vie...Dans la pénombre du salon, son visage tente d'exprimer la sincérité... j'ai 49 ans, pas un sou..comment je vais faire à la retraite ? Je lui ré-explique que j'existe, là, à ses côtés. Que ma porte lui est toujours grande ouverte. Que je l'aime. Que ma propriété est la sienne. Mon argent le sien. Je ne veux pas vivre aux crochets de quelqu'un... Le silence qui ponctue sa réponse me dit qu'elle souligne dans sa tête une contradiction. Explique-moi comment je vais faire pour finir ma vie dignement ? Vivre avec moi ne lui vient même plus à l'esprit. Il a oublié tout ce que nous avons tenté de construire depuis sept ans. Les mots, les déclarations, les rires, les larmes, les jouissances, les plaisirs... Aux oubliettes d'un présent vainqueur, intolérant, supérieur. Arrogant presque, d'avoir su ainsi terrassé notre passé et notre avenir. Tout m'échappe, me file entre les doigts : lui, mes souvenirs de lui, le temps promis, le temps espéré, la nuit qui colore doucement sur Saint-Nazaire, ce salon où nous sommes – lui dans l'embrasure de la porte, moi recroquevillé sur le canapé. Mais de quel avenir parle-t-il ? C'est quoi l'avenir si c'est sans lui ?

46 - Erreur de manip'


headblack 



En voulant modifier les intitulés de mon blog*, tous les articles concernant Maki se sont volatilisés dans les limbes informatiques du serveur. Frayeur et panique : recopier-recoller tous ces posts depuis ce blog-ci, voilà qui va m'occuper... Me distraire peut-être ? Depuis mon retour dans la nuit de vendredi, mon esprit se focalise entièrement sur Maki... Bêtement, il me manque. Mais ce travail devient miroir... Voulant corriger quelques fautes de frappe, je relis chaque mot. Je revis chacun de ces instants si précieux et désormais perdus. Question d'Ardisson : « recopier, c'est pleurer ? »

45 - Monex

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Un étrange hasard concentre sur le mois d'avril de nombreuses dates incontournables : pléthore d'anniversaires de naissance ou de décès, premières rencontres ou séparations, évènements familiaux ou personnels, etc...Une vient de s'y ajouter.


Rompre est rarement un exercice facile. Mon mec et moi venons « officiellement » de rompre. Rien de dramatique... Juste des hurlements, des torrents de larmes, des suppliques, des remords, des regrets. Des vérités mais pas de méchancetés. Des aveux aussi (surtout lui). L'un comme l'autre, têtus. Cela s'est produit le 19 avril en fin d'après-midi. A 23h30, Monmec s'appellait Monex. Nous sommes restés en bon terme. Je modifie néanmoins le titre de cette rubrique.
revolte

samedi 20 avril 2013

03 - Leurre

cri
 
Le quotidien ? Un champ de mines vietnamien en 66. Chaque sourire ricoche. Chaque question résonne dans un vide. Une carapace imperméable durcie un peu plus depuis 46 jours, à chaque instant m'isole. Chaque pas, un long cri, une plainte, un gémissement lamentable. Mais ce n'est qu'un leurre, n'est-ce pas ? Cela date de bien plus longtemps, oui ?







 





nuque
Depuis si longtemps... aucune date ne me vient. Aimer des gens, sans retour. Espérer des bonheurs, sans nom. Tant de livres lus – pour quoi, pour qui – eux, rien. Ma bibliothèque est une désolation. Tant de connaissances acquises, accumulées, répertoriées, encore chaque jour délivrées à ces jeunes gens-ci – qui peut-être vivront les mêmes affres ? – en vain. Il n'y a aucun sens à tout cela. Est-ce ainsi que se passe la cinquantaine ? Est-cela, "vieillir" ?

vendredi 12 avril 2013

02 - Quarante

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De ceux qui du rivage observaient mon naufrage*, un seul a su me sauver. Nul doute, sa permanence*. Ses mots bleus. Des doux gestes. Son regard entêtant. Ses yeux, acharnés à la fouille, vrillés sur moi : autant de cordes jetées pour me rattraper.
Absent pourtant. Si loin – parfois mon corps s'en tord de douleurs. Mais tellement là. Inconnu de Che-Nen dont il sait néanmoins l'importance, à mes rites funéraires présent. Avec moi – en moi, donc – lors du voyage imaginaire mais nécessaire à Ishigaki*, Maki, solaire, toujours là – lui – au quarantième jour de la Tristesse sur Terre.

samedi 6 avril 2013

01 - Tel Thésée

douche13Une mélopée, lente. Un chant sans origine précise qui distille un poison qui vous engourdit l'esprit qui ne sera plus vraiment aussi alerte – on le sait, on le sent bien à ces tout petits riens ridicules, minuscules, qui scrofulent, écrouellent, fistulent chaque jour, les rendant toujours plus invivables mais tout de même vécus : on s'habitue si vite à la laideur honteuse d'une cicatrice mal refermée, n'est-ce pas ? Un chant, donc. Interminable mélopée. La trente-neuvième nuit s'amenuise lentement. Mais le quarantième jour refuse de poindre. Il semble pourtant prometteur puisque, enfin, le labyrinthe se résout. Timidement, un mot après l'autre, une toile, confuse encore, se défroisse et renoue des dialogues. Avec l'un. Avec l'autre. Peu importe mais des inconnus.
eau6Tant de douleurs ruminées, enfin anesthésient. Le visage tordu de souffrances de nouveau, au miroir, s'accepte. Si, ça et là, persistent encore des larmes, ces parfaits quidams ne les relèvent pas, trop polis. En ce sens, parfaits. L'anonymat d'un réseau, antinomie virtuelle, me comble.
La disparition du corps – à jamais emporté par des vagues (chaque instant depuis trente-neuf jours remplit cet office) – se métamorphose en une notion acceptable. Admettre ce dernier regard posé sur moi comme étant le dernier. Et puis, plus rien ? Rien. Rien. Rien. Rien. Rien. Rien. Rien. Rien. Rien. Rien. Rien.









dos


Un son déchire le calme de ce petit matin. Mon homme m'appelle. D'aussi loin – lui aussi réveillé par cette même plainte ? – quarante jours bientôt, et trente-neuf nuits de silence l'inquiètent. Doucement, ses mots chuchotés, un à un, redessinent le souvenir si lointain de son corps noir. Phrase après phrase, le contour de mon amour se précise et m'impressionne. La nuit délaisse enfin la chambre, l'appartement, la ville au-delà. Le jour, tout à fait levé désormais, contraste avec cet amour noir.


gracileUne dernière fois me tourner vers ce passé. Là-bas, à Ishigaki, sur la plage, le vieux souvenir d'un jeune corps échoué. Mais là-bas. Loin d'ici. J'ai connu, il y a une vingtaine d'années, un amour. Maki a raison. Che-Nen doit rester là-bas. C'est bien ainsi. Maki est ma raison.
echoue