vendredi 29 novembre 2013

78 - Refuge




Seul, le geste compte – ni sa cause ni son effet. Au creux de l’instant, ainsi abrité des mouvements du temps, je peux respirer – vivre ? Ainsi, d’un pas léger et sûr, je peux rejoindre mon amant. A 500 mètres, sa maison. A son collège, tourner à droite. En sortant de la voiture, le soleil froid de cette fin d’après-midi noie le cimetière où il repose d’un rouge sanguin. Ce quartier était celui de Che-Nen. Etrangement, il m’a fallu quelques mois pour comprendre cette singulière géographie.





Le moment précis – donc, seul moyen d’y échapper – m’offre le refuge idéal. Lui seul possède ce pouvoir d’éloigner d’insupportables images : un Che-Nen juvénile, son cadavre comme seul corps, décharné, décomposé de quelques mois à peine. Ou encore, ce Che-Nen adolescent aux rêves les plus fous, empâté, englué dans une vie bourgeoise d’expatrié.
Peut-être même que mon amant lui-même est devenu mon refuge. Que son désir en moi douloureux chasse la douleur de cet écartèlement du temps. Et se dire avec entrain – faute d’en être tout à fait convaincu – que la Vie, logique, se doit toujours de l’emporter sur la Mort. Au creux de l’instant, un doute persiste néanmoins.

samedi 23 novembre 2013

08 - Hic et nunc*

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D’une voix étouffée d’émotions, Farid me prévient qu’il va jouir. Son visage, libéré de ses pudeurs ancestrales, se fige. 







Les doigts longs et fins, bruns – auréolés d’un ongle éblouissant de nacre – hésitent imperceptiblement, finissent par enserrer la tasse de thé vaguement fumante.
p368



 
La noirceur de son regard recouvre d’un voile pudique mes lèvres. Son départ me peine. Il le sait, peiné autant que moi. Moment tragique.  




Lesquels préférer, de ces instants ? Ceux-là – et d’autres encore qui m’échappent à jamais, trop fugaces, trop subtils – abolissent le temps. Anéanti, mon passé long de 53 ans – soudain devenu inutile. Abscons, l’avenir. Seul, l’instant présent reste limpide. Hic et nunc, donc.
p370










*Hic et nunc : Hic, ici. Nunc, maintenant. Ensemble, les deux termes forment une locution qui insiste sur l'immédiateté de la chose.

samedi 16 novembre 2013

07 - Suaves sueurs

couple2Farid me veut. Me prend. Me perd. Me perce. Me berce. M’abandonne enfin – épuisés l’un l’autre – sur le bord de son corps. Sa peau sombre mate la pénombre de la chambre. A ma bouche, l’auréole brune de son sein gauche. A mon nez – son odeur d’Arabe après l’amour, son aisselle m’excite.
couple5La sueur trace un chemin – de la naissance de son cou aux premiers poils de son pubis – dont ma langue s’abreuve sans fin. Ma faim de lui ne cessera donc jamais ? Le sentiment amoureux a-t-il une odeur ? Une saveur ? Ce serait la sienne, à coup sûr. Celle, un peu amère de sa peau en sueur.
Lascif, il se laisse adorer. Farid est un mâle. Il sait – et l’admets – mon besoin vital de l’aimer, lui. Il faudra bien, un jour, que je parle de mon père.

vendredi 8 novembre 2013

06 – Haine des certitudes


p366Il doit être écrit quelque part – est-ce sur des tablettes ancestrales ou sur de vieux parchemins poussiéreux ? – que rien ne me sera épargné lors de mon passage sur cette Terre. Ni celui-ci qui m’écorche de son ongle au lieu d’une caresse. Encore moins celui-là qui n’en peut plus de me plaindre d’être si bas descendu. Et que dire de cet autre qui me juge – quoiqu’il s’en défende – me taxant d’immoralité au prétexte que mes amants ne deviendront jamais des maris.
Qui sont-ils, ces censeurs ? Des gens, bien-pensants, tout comme il faut. Rangés, tranquilles. Sans surprise. Prévisibles. Des cons. Je méprise les cons. Je hais leurs certitudes, insultantes, blessantes. Meurtrières.
Combattre. Devenir vindicatif. A quoi bon ? Ou alors adopter – Genet l'a fait en son temps, non ? – une esthétique de la violence. Seule une émotion esthétique peut s'opposer à l'absurdité de ces certitudes. Ma réponse, donc, anéanti.
p367

vendredi 1 novembre 2013

05 - Détournement

Une affiche du GMHC de New-York en faveur d'un dialogue intergénérationnel pour la lutte aux États-Unis contre l'homophobie. Elle me touche, moi qui suis muet face à mes enfants. Je la détourne :
affiche  contre homophobie
 
Parmi d'autres, celles-ci, pêchées sur leur page FaceBook* :         
 
gmhc 1
ghmc 2
 
 
 
 
 
 
 
* cliquez sur le mot pour accéder au site FaceBook du GMHC

16 - 俳句 15