mardi 30 août 2016

01 - Boomerang marocain (partie 1/2)





Des semaines sèches, mornes, vides, à attendre que les plaies se referment enfin. Un souffle chaud du désert envahit les pièces de l'appartement plongé dans le noir caniculaire, occultées par des volets baissés. Ainsi les journées s'égrennent-elles, arides, désertes, lentes -- cet été.
Farid m'avait prévenu de son séjour estival au Maroc. Y retrouver ses origines, une partie lointaine de sa famille. Et cette grand-mère qui l'a tant façonné. Son retour, par contre, restait vague : "Un mois. Pas plus." Ce soir, la sonnette de l'appartement a déchiré la lourdeur noire des pièces. Un peu du soleil couchant est venu éclaircir l'entrée : retour de Farid, trois semaines et demi d'une insupportable absence.
Il fume une de ces cigarettes au tabac blond dont l'âcreté se mêle au parfum de sa peau talée de soleil. Quelques mots dans l'obscurité redessinent les limites de nos corps. Seule la braise incandescente de sa cigarette grave par instants les traits de son visage. Les lourdeurs de mon corps profitent de la nuit naissante. Les sueurs estivales s'alourdissent du poids du doute : mes 56 ans plaisent-ils encore ? Trois opérations depuis quelques mois m'ont démoli le peu de certitudes déjà péniblement amassées. Comme la cigarette à moitié se consume, une douche s'impose.
L'eau tente en vain de me convaincre que la lumière de la salle de bain n'est pas une ennemie. Sa fraicheur essaie de raffermir mes chairs. Le corps nu de Farid soudain obscurcit la cabine. Son sourire me redonne espoir. Ses mains me lavent. Leur lenteur me rassure. Nos envies de l'autre accumulées depuis des semaines exacerbent nos sens.
C'est tout mouillés que nos corps contrastent sur le blanc des draps. Farid a eu raison de refuser la serviette.