vendredi 30 août 2013

07 - Saint-Lunaire (partie 4/5) : éclats

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Donc, le rendez-vous le matin de ce lundi-là aux alentours de l’église de Saint-Lunaire. Havre des époques troubles. Lui la neuve moi l’ancienne, énième quiproquo* angoissé par le premier regard. Tout en noir : ses baskets, son jean, sa chemise, ses yeux, sombres, ses cheveux et – je savais un peu déjà – quelques idées. Néanmoins, magie d’une jeunesse enviée, éblouissait-il.
 

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Les remparts de Saint-Malo servirent de cadre à cette unique journée. De cette silhouette sombre jaillissait une gerbe sonore composée de plein de questions, de quelques certitudes, de beaucoup d’humour et d’une infinie tendresse. Parler fort rassure souvent : le timbre sonore de sa voix peinait à cacher ses inquiétudes.

La lumière l’inquiétait-elle ? Au crépuscule. Dans cet hôtel. Sur ce lit. Dans mes bras. Sa fatigue de la comédie du quotidien. Les regrets de son désert amoureux. Son contentement de notre amitié nouvelle. Sa voix enfin murmure. 
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samedi 24 août 2013

06 - Saint-Lunaire (partie 3/5) : trois ricochets


sBrouhaha d’une foule furieuse, curieuse, avide de voir. Et lui, à contre-sens de la visite. Hors-normes. Etranger parmi les siens. Son corps nonchalant chaloupait avec négligence. Personne – que moi – ne remarquait ce soliloque. Inconnu de tous. Quidam* (je veux le nommer Yukio) noyé dans un tsunami humain – me voilà son phare – qui se dirige vers moi. Son regard m’accroche. Ma mémoire le hisse du mieux qu’elle le peut hors de ce monde agité, éphémère – au calme où je saurai le retrouver, à l’occasion.





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Nu, sa fragilité me peine. L’ordinaire le blesse, je crois. Epuisé peut-être, d’avoir parcouru la planète pour déambuler ici, à mélanger en vain son présent au passé. Que fera-t-il ensuite ? Rentré à son hôtel, rasé, douché, reposé, rasséréné. Sur le balcon, un peu au dessus du monde qu’il toisera, une cigarette le posera. La vue sur Paris – sans importance – lui importera peu. Peut-être dans sa mémoire, mon regard a-t-il laissé une trace qu’il emmènera avec lui à Tokyo ? Un peu de moi, là-bas. Che-Nen manque. Sa trace dans ma mémoire n'y suffit plus. Saint-Lunaire ricoche à la surface de mon présent : lui. De lui, à Yukio. De Yukio à Che-Nen.
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* : J'ai croisé "Yukio" dans la Galerie des Glaces du Château de Versailles en avril 2013.

mardi 20 août 2013

05 - Saint-Lunaire (partie 2/5) : miroir


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Au début, un manque…comme une absence. Un vide en fait qui se meut peu à peu en une envie affamée, vorace, un urgent besoin de savoir : Che-Nen aurait-il laissé ici-bas une trace…comme un signe. Serait-il possible que ce cygne-là fut ce signe-là.

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Ont-ils, lui et lui, le même regard abyssal, le même sourire un peu gêné, la même voix voilée par un peu de tabac ? Ont-ils, l’un comme l’autre, cette nuque sauvage, fragile, presque friable, comme tracée au gré d’une fêlure ? La même urgence de vivre ?
Serait-ce possible, à vingt-deux ans de là, de revoir Che-Nen – ou son reflet, juste un reflet, s’il vous plait – dans son regard…un de ses gestes peut-être ?

jeudi 15 août 2013

04 - Saint-Lunaire (partie 1/5) : peine-ombre


regarderEn quelques mots, la nuit a dérobé la chambre. Les rideaux mal fermés ont laissé entrer les lueurs de la rue. Et ses rumeurs aussi, des histoires de mouettes et de leurs territoires à défendre, vieilles querelles.

A peine entrés, il a ôté ses baskets. Ses chaussettes blanches redonnaient un peu d’espoir à cette nuit qui s’avançait, dangereuse, vorace, cannibale.
Epuisé, son corps sombre dans les draps blancs de la chambre d’hôtel. Sur le rebord du lit, je dispute à la nuit ce jeune homme au début de sa vie. Comme la pénombre gagne, une peine m’engloutit.