samedi 23 février 2013

09 - Farid (partie 2/3) : Culotté

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Drinn......dring. Un coup long, un coup bref...ça me rappelle quelque chose. Mon esprit, occupé sous la douche, ne se souvient plus trop de quoi. Silence à nouveau. Et re... Insister si lourdement m'énerve tant :



- Oui ?
- C'est moi !
- Qui, moi ?
- Farid.

fumerBlanc de conversation. Quelle suite donner ? Son silence de trois semaines. Sa silhouette un peu courbe en haut du rempart. Son dos qu'il me laisse voir et qui m'ignore. Les petites larmes versées tandis qu'il s'éloigne de sa démarche lourde... Tout cela me gifle. Une politesse (de celle des esclaves, sans doute, toute en apparence calculée) me force à lui ouvrir néanmoins. J'appuie sur le bouton de l'interphone.
Il pousse la porte, entre, me tend à peine la main et s'étale sur le canapé. Et allume une cigarette. Rester debout, à bonne distance... Tu veux du thé ? Il ne veut pas de mon thé. Il écoute à peine mes réponses à ses questions de diplomate. Il veut mon corps. Refus. Mots brefs, gestes secs. Vexé, déjà à la porte. Puisque je te dérange... Lui ai-je seulement dit au revoir dans ce silence du vestibule ? La porte refermée, cornac orphelin.
elephant

jeudi 21 février 2013

10 - 俳句 9


08 - Farid (partie1/3) : Triste fin


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Aperçu de loin, samedi. Hésitant. Un doute quant à cette silhouette, néanmoins. Pourtant, cette nonchalance, cette lenteur calculée... La courbe si particulière de ce dos... Comme la distance s'amenuise, le flou se précise. Depuis quinze jours qu'il ne donnait signe de vie ! Enfin, le revoir ? Mon regard suit la noblesse de sa marche. Il ne suit pas un trottoir mais foule un désert ! Myope, il ne pense pas à moi.

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Quelques mètres enfin... Mais, n'est-ce pas une murène qu'il arbore à son cou – prête à mordre qui le repèrerait ? Enfin, il comprend : et pour ne pas exister sous mon regard, alors tourne-t-il la tête avec dédain. Détournant la tête, Farid nous condamne.





Insupportable, intolérable, inadmissible. Non-supporté, non-toléré, non-admis. Non, non et non. Aucune fin n'est victorieuse de rien. Celle de cette liaison-là pas plus qu'une autre. Perdu au milieu d'une nage, chercher un souffle semble impossible. Pourtant...
ocean

lundi 18 février 2013

43 – Permission 81

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Le même froid qu'à ce jour. Au sein d'un hiver sans nom, le quai de gare à tous vents me fige les os. Il descend du wagon, habit kaki, rangers noires. Ses extraordinaires cheveux raides longs et noirs lui ombrent désormais le crane. Il revient d'Allemagne, une permission rare qui me le rendait précieux.


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Les volets empêchent le monde de nous divertir. Au sol – repus, allongés, enfin détendus – à nos côtés, deux ou trois bougies éclairent nos différences. Autour d'un jeu de cartes qui ne nous distrait pas, nos gestes maladroits trahissent mal l'impatience que cette soirée s'achève. Secrètement, lui et moi espérions que la nuit commençât enfin. Longue attente de nos fatigues.



p313Je ne sais plus qui – lui sans doute – s'avoua vaincu... Ce soir-là de janvier 1981 s'inscrit à jamais dans une Antiquité des souvenirs. Lumières éteintes, oui ça, c'est sûr. Lourdes couvertures épaisses aussi. Nos corps nus écrasés sous leur poids. Le noir total, mon cœur s'emballe – boum-boumboum-boum – dans le froid silence du studio.

p315Lui se penche sur moi. Premier baiser – enfin ! – si fantasmé depuis mes 16 ans ! Nos peaux lissent l'une sur l'autre, un délicieux désordre maladroit s’installe qui réordonne – toujours, les premières fois – le lit. Au réveil, Pierre-Marie pose sur nos draps le plateau du petit-déjeuner. Dans cinq heures, son régiment me le réclamera. Eperdus, égarés dans nos vingt ans, cette toute première nuit partagée, volée à nos éducations, n'a pas survécue -- sinon dans ma mémoire -- aux soubresauts de leurs menaces. Recroquevillé sur moi-même, le regard au dessus de l'épaule gauche, je scrute avec hantise un passé qui me mordrait les fesses. Si le même hiver et le même froid, les mêmes volets hermétiquement clos, savent réduire trente années d'errances en un souvenir d'une fraction de seconde, alors le train en provenance de Karlsruhe ne devrait pas tarder à entrer en gare, n'est-ce pas ? J'attends donc, le corps encore gelé -- mais les yeux clos dans le noir de cet appartement de 2013 -- qu'il ne bondisse sur le quai, habit kaki et rangers noires. Pierre-Marie, ce soir, me manque cruellement.
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mercredi 13 février 2013

07 - Merci merci merci

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Merci Madame le Ministre pour la force de votre projet de loi. Pour la politesse de votre détermination à conduire ce projet jusqu'au vote de mardi 12 février.









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Merci Madame le Ministre pour la dignité de vos mots. Pour leur intelligente sémantique. Pour votre admirable capacité de résistance à la bêtise humaine.







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Merci Madame le Ministre pour la beauté de vos raisonnements. Merci enfin pour la qualité et la délicate beauté de vos convictions personnelles et collectives. 









 Discours de Christiane Taubira, Ministre de la Justice, en date du mardi 29 janvier 2013 inaugurant le débat à l'Assemblée Nationale.
 




dimanche 10 février 2013

21 - Airs (of) graves

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Un sourire kabyle moins sanglant que ces blessants silences ? N'avoir retenu que des cous à la peau duveteuse, soyeuse forcément et juvénile malgré tout : une vengeance ignoble. En quoi consiste ma traitrise ? Chaque fois que je me retourne, dans mon dos, ces ailes dont chaque plume porte le nom d'un de ceux-là, terrassé. Foudroyé dans l'élan de sa pauvre jeunesse de pauvre. Fichu en terre, moribond – comme planté – agonisant va-nu-pied, fauché d'un coup de rein innocent. Empalé par un ange aux ailes tristes.
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Parmi les épitaphes, quelques-unes remémorent des sourires, vagues désormais, presque effacés de ma mémoire. N'en reste que les ombres, évanescente idée, oui. L'idée du sourire de celui-là, pétrifié la veille de nos jeunes printemps. Où donc se cachent-ils, ces oubliés ? Quelles allées caillouteuses remonter pour de nouveau les rencontrer ?


Les cimetières suintent – transpirent, respirent, aspirent à – ces airs graves. Ces travées-là, trop exiguës pour mes ailes douteuses, ne conviennent qu'à l'étroitesse des cercueils. D'ailleurs, aucun de leurs larges rires n'éclaire mon présent. Nuageux. Sombre. Obscur. Noir. Si noir, qu'aucune blondeur ne se risquerait à déranger.
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vendredi 1 février 2013

06 - Cygne trouble (partie 3/ ? : Les yeux miel)

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Les fêtes passées, mails traditionnels de bons vœux. A lui, je ne sais plus quoi. Des mots polis, policés, lissés. Si neutres : à quoi bon attendre un retour ? Aucun espoir de ce côté. Il m'avait dit être jeune, pas encore bachelier, tout juste majeur. Trente années ne sont plus un écart, un gouffre plutôt. Du genre incommensurable.
Et puis sa réponse ! Chantournée, ciselée au mot près, aimable : tout va bien, lui aussi. De vagues excuses pour son long silence. Un identifiant pour un site de tchat. Soit, va pour le tchat ! Son vrai nom apparaît enfin mais qui est-il ? Que cache ces yeux couleur miel ?