samedi 28 septembre 2013

01 - Terrasse


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Sur mon visage, plus rien ne s’écrit. Illisible, lisse. Le réel ne s’y imprime plus. Mes traits impassibles leur renvoient leurs images. Cela les rassure. Les gens de l’extérieur n’en demandent jamais plus. Que de l’apparence.





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Et je vis là, à côté de tout. Nulle part en fait. Même à la terrasse de ce café – où le soleil et eux m’entourent, espiègle, je souhaiterais n’être pas seul. Mais il ne voudrait pas de ma compagnie. Assuré de son refus, je renonce même à le lui demander.
Pourtant il m’aime… Mais ses confidences ne peuvent pas s’étaler au grand soleil de cette terrasse de café. Et même, parfois, si nous nous croisons en ville, nous ne nous connaissons pas. Ainsi le veut-il. Au grand jour, ne paraitre que caché. Etranger sur cette Terre.

mercredi 18 septembre 2013

09 - No man's land

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Je t’aime, je t’aime, je t’aime : ce murmure le laisse indifférent, je le sais. Aussi je le tais.

Ô mon amour, je ne veux que toi : me dessine un sourire poli.

Si tu veux, on peut se revoir ? Il repart, anonyme.

Mes oreilles vident les mots. Tous ces amants, occupés à mon corps, accentuent mon exil au monde. De l’un à l’autre, j’erre. Prémices déçus. Tous mentent. Seul, donc. Encore.

vendredi 13 septembre 2013

08 - Saint-Lunaire (partie 5/5) : écarts

lui


2013. Ha* a 19 ans cette année. Son premier job, à Saint-Lunaire donc. Premiers pas dans sa vie d’adulte. Du fond de mes 53 ans, y’a comme un doute. Attiré certes, mais le parallélisme avec Che-nen n’y suffit pas : trop simple. Les choses simples me dérangent.
1979. Mes 19 ans. Mon premier job d’été. Mes premiers pas dans ce qu’ils me vendent comme une vie d’adulte. Retour de Paris. Fierté paternelle : son fils est un homme ! Dernier de la meute, à 19 ans, mon père en avait 53.



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Des années écarlates. Révolté. Communiste. En colère contre tout, contre tous. Fougueux. Impétueux. Sanguinaire, tuer le père ! Che-Nen aussi ignorait comment venir à bout de cet écart-là. Insupportable amour pour un père insupporté (1). Ces écarlates années écartelées entre deux âges incertains. Ces écarts-là te saignent.


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En 2013, Ha à 19 ans, moi à 53… J’ai l’âge de mon père quand j’avais son âge ! Décalque. Mon père en moi, enfin ingurgité. Transfert. Ha, sur ce lit noyé dans la pénombre de cette chambre d’hôtel, lové dans mes bras, Ha, mon fils ? L’aimer comme mon père n’a jamais su m’aimer. Lui offrir cette chance, peut-être. Si je suis mon père, Ha est ma dépouille.

* Ne pas donner son vrai nom, bien-sûr. Ha pour Helyuheiko Animus (cf. ce lien)
(1) : Cliquez sur le lien à propos de ce conflit entre Che-Nen et son père.