mercredi 28 décembre 2011

22 – Noyeux Joël !


24 – Joël Noyeux !
Allez : une 'tite trêve dans le style confiseurs. Jusque début janvier.
S'échouer plus ou moins volontairement sur ces pages, y revenir maintes fois pour certains d'entre vous...ça fait vraiment chaud au cœur ! Merci aux quelques huit mille visiteurs – occasionnels ou réguliers. On se sent un chouïa moins seul avec vous.
Avec et par de-là vos croyances, vos vies, vos couleurs, les mots de vos langues, chacun d'entre vous forcément autre que moi. Voisins des cinq continents, d'un bout à l'autre de la planète, de bonnes fêtes à tous !

24 – Joël Noyeux !
عيد ميلاد مجيد
メリークリスマス
메리 크리스마스
С Рождеством
חג מולד שמח
Joyeux Noël peut se dire  [shèng dàn jié kuài lè]  en Chinois.
24 – Joël Noyeux !

samedi 24 décembre 2011

27 – Rose, le Flamand ! (partie 2/2) : résonances

tokyo boyLe Floyd, d'autres font ça très bien, inutile de le présenter. Compagnon de mon adolescence, à l'instar de Thierry ou de 2H, tuteur aussi. S'évader dans l'anonymat de ces pages noircies par tant d'inconnus ? Rire, oublier, rager, maudire avec ces personnages si proches de soi ? Toujours nimbé des mélodies du Floyd ! Plages musicales, paroles : autant d'échos à mon quotidien d'alors. Résonances.


ecrire1Fondateur, le Floyd a su semé dans ma caboche d'ado les images nécessaires. Bulbes. Enoncer un sens puis prononcer le son. Identifier un mal-être jusque là indicible. Fleurs. L'insanité fait sens. L'infamie prend forme. Bouquets. Trouver ces frères, ces pères, les rassembler. Ensemble, inventer les variétés, les diversités. Des umas comme les Mentawai.

homme-fleur-de-siberut-mentawai




Le site le plus complet, sans doute, sur Pink Floyd :

jeudi 22 décembre 2011

26 – Rose, le Flamand ! (partie 1/2) : étapes

watersJuillet 1972, migration bretonne, estivale et familiale. Une oasis enfin après neuf mois d'enfer à l'internat. Y revoir Joël, peut-être ? La Chambord bleue avale le trajet dans un long ennui. Une station-service offre des cadeaux avec les points-essence. Je choisis Relics. Arnold Layne. Premier choc.
Août 76, du haut de mes 15 ans, Marseille me sourit. Dans la salle obscure d'un cinéma de la Canebière, un vieil Arabe se penche sur ma braguette. En sortant, il me paie Wish You Were Here. Je plane.
Mars 77, voyage scolaire à Londres. Faire mentir cette rumeur insistante... Dans un soupir résigné, ma main vierge affronte les seins de cette gentille fille. A Londres, elle me fait un cadeau : Animals, tout chaud dans les bacs !
gilmourDécembre 1980, le froid me fige dans Lille. Ma vie se glace dans ce parc blanchi, à la recherche des ombres de mes frères égarés, comme moi apeurés. La violence des mots, des regards, des insultes, trouvent leur écho dans l'écrasante beauté d'un Hey You ou d'un Comfortably Numb. The Wall.
Avril 1984, déprime totale. Tout le monde est parti. Vieillir m'effraie, vivre me tétanise, mourir m'épouvante. A l'abri du monde, derrière des lunettes de glacier. Final cut ? 


"Button your lip don't let the shield slip
Take a fresh grip on your bullet proof mask
And if they try to break down your disguise with their questions
You can hide hide hide
Behind paranoid eyes"
Paranoid Eyes, Pink Floyd sur l'album The Final Cut

mardi 20 décembre 2011

25 - Première fois (partie 3/3) : enfer.

oinje1« Mais si essaie ! T'inquiète pas, j'suis là... » Et le oinje pincé ( Sur la corde à linge ? Non, Didier avait 12 ans...) me crame la gueule...2H a payé ma part...j'vais pas lui r'fuser la taffe, sûr...
greenUne, deux...deux simples taffes ont suffi...décollage immédiat ! Au début, je m'étends sur la banquette, ma tête repose sur la cuisse de 2H...une de ses mains me caresse la joue...mes idées s'embrument, mes envies s'envolent...il me repousse, je crois...surtout ne pas passer pour le pédé de service...sortir de la voiture enfumée.
Mon père me gifle ? Pas lui ? l'air frais, tu crois ? Quelle claque ! Peur ! Chaud ! La nuit obscurcit tout...une prairie...des barbelés...la forêt pas loin...Bouillant. Nu. Ver. Planter ma queue épaisse profond au dedans de la terre. Ejaculer. Dormir.

Qui m'a relevé ? Qui m'a nettoyé la boue séchée ? Qui m'a rhabillé ? Comment je suis rentré chez mes parents ? Jamais su. Jamais plus touché à ces saloperies destructrices.
etang

lundi 19 décembre 2011

24 – Première fois (partie 2/3) : purgatoire.

nuque
2H me sait amoureux de lui. Bien plus tard, au détour d'un aveu, il se dira flatté mais désolé. 2H, l'hétéro idéal : une splendeur parfois brutale, un peu niaise, toujours simple. Pour l'heure, on ne cause pas, on vit les choses et ce soir, c'est la fête !
Enfin habillé, nous descendons à la cuisine. Sa chambre se referme sur mes regrets. Isolé de ces odeurs musquées, l'escalier est interminable. Chaque marche, une souffrance qui m'éloigne de ce lit tant convoité. Hotel California, rengaine nostalgique, égraine sa vaine ballade. Dans quelques semaines, il partira pour Strasbourg. Une belle l'y attend. En fin de compte, l'escalier n'est qu'un purgatoire.
Dehors, le soleil donne et les bières fraiches nous offrent l'illusion que nos vies seront sans fin ni heurts. Puis ce soleil décline enfin en une logique qui encore nous échappe . Nous rejoignons des potes avec qui passer cette soirée d'enfer, si prometteuse en filles ! Eux en rêvent, et moi avec.
helice

samedi 17 décembre 2011

23 – Première fois (partie 1/3) : antichambre

Une vraie midinette ! Pourquoi moi ? La matinée pour choisir le bon jeans, le t-shirt, les baskets. L'entre-midi pour squatter la salle de bain...et voilà mon index qui écrase le bouton de la sonnette. 14H00, pile à l'heure, ce samedi de mai 1979.
douche3
Le baccalauréat approche à grands pas. On s'en fout, assurés d'un idiot d'avenir creux. Donc, la fête ce soir ! Une « boum » qu'organise un pote dans son patelin paumé. Drrrrriiiiinnnn. Deux fois. Un escalier malmené, un verrou tourné...une odeur de shampoing...la porte entrebâillée...Lui,enfin.
En slip alourdi par une queue. Un corps connu : chaque matin depuis la seconde, je l'admire à la sortie de sa douche – du mardi au vendredi – à l'internat. Mais là, à sa porte, l'occasion va-t-elle me faire larron ? Il s'excuse du retard pris, m'invite à monter dans sa chambre, attendre la fin de sa toilette...
tokyo by window
Sa chambre ? Les draps repoussés à la hâte au pied de son lit. Le matelas creusé au milieu de la forme de son corps. Je bande. Je veux Lui. Il revient enfin. Sans serviette, rien, nu, indifférent. Il bande. S'exhibe fièrement. Il peut. Il est divinement beau. Je l'aime. Il ne le sait pas encore mais il le sent. On discute de la soirée prévue, d'argent, des copains qu'on doit encore prendre en passant – pendant qu'il s'habille.
paille2

jeudi 15 décembre 2011

10 - qíng gē (情歌)




 


Personne ne sait pourquoi, n'est-ce pas ? Un regard, même furtif. Un sourire souvent. Une pose charmante. Un rien, parfois, vous fait changer d'humeur. Le lien. Celui qui vous permet de penser que rien n'est totalement perdu, inutile. Un puits de lumière qui perce les ténèbres.




Il y a pas 24 heures, le monde n'était qu'une horreur sans nom, un crachat ignoble, purulent. Et puis Maki téléphone. Et lentement sa voix me ramène à la surface des choses. Là où les affaires du monde deviennent souvent concevables, acceptables.
Des mots ? Une conversation ? Non ! Un chant d'amour.
Chant d'amour, [qíng gē] en Chinois.
 
 

lundi 12 décembre 2011

01 - Handle with care !

rageLeurs paroles, leurs rires et leurs bons mots. Des aboiements, des ricanements et des poignards. Par définition, leur amour vous est dû ? Le prix qu'ils en exigent est pourtant exorbitant. Fuir. Se protéger. Haïr un peu et beaucoup pleurer. Eviter les coups, leurs violences insupportables. Ne pas prêter attention au plaisir qu'ils en retirent. Mon père me manque dans ces cas-là. Lui aurait su les éloigner.
quoi




"Ce n'est pas par manque de politesse
Juste l'usure des nuages et de tes caresses
Ceci n'est pas un manifeste
Pas même un sermon, encore moins une messe
Mais il fallait bien qu'un jour je disparaisse
Doit-on toujours protéger l'espèce ?

[...]
Est-ce que toi aussi ça te bouleverse
Ces quelques cendres que l'on disperse ?
Est-ce qu'aujourd'hui au moins quelqu'un te berce ?" 


extrait de Brest, sur l'album 1964 de Miossec
 miossec


samedi 10 décembre 2011

22 – Rajoha (partie 3/3)


22 – Rajoha (partie 3/3)09 juin 1993, Resto-U de l'Université Charles de Gaulle-Lille III. Juché sur un haut tabouret inconfortable, un café, une cigarette. Chaos des conversations. Douze heures bientôt, l'esplanade bourdonne d'étudiants en quête du déjeuner. Depuis toujours, attendre m'est un calvaire. Attendre Rajoha relève du supplice.

22 – Rajoha (partie 3/3)Avec négligence, mon regard contemple le ressac humain. Des formes, des couleurs, des visages s'entortillent aux odeurs et au brouhaha. Les foules me haïssent dorénavant. Mes tempes martèlent une lointaine chamade. Les cigarettes n'étouffent plus l'angoisse. Au milieu de ce raz d'images, une lueur soudain me tétanise : Rajoha en grande discussion. Ses mains virevoltent devant lui, signe d'une agitation joyeuse. Tel un phare, son sourire déchire la foule. Son regard neutre croise le mien au travers de la large baie. Avec indifférence, il passe mon chemin.
Rajoha s'est trouvé un autre ami, visiblement plus jeune que moi. Ma différence s'éloigne à jamais avec un inconnu. Un monde inexploré s'étale désormais à mes pieds, ultime cadeau de ce noble étranger. Un monde d'espérances, multicolore, cosmopolite. Bien-sûr un silence stupéfait accompagne mes larmes mais pour la première fois depuis Che-Nen, il m'est permis d'augurer d'une nouvelle dimension.
22 – Rajoha (partie 3/3)

jeudi 8 décembre 2011

21 – Rajoha (partie 2/3)



21 – Rajoha (partie 2/3)Notre seul point commun ? Nos différences ! Nos origines, nos cultures, nos vocabulaires, nos ambitions, nos passés : toutes choses qui nous constituaient, nous tenaient éloignés l'un de l'autre. L'amour ? Non ! Mais l'envie de l'un pour l'autre nous confondait.
 De ce mois d'octobre 92, les mercredis après-midi devinrent un rituel. S'installa peu à peu comme une paix intérieure, sorte de prises d'air après une longue apnée. Après avoir épuisé nos corps dans un réduit des toilettes, de longues
 conversations fatiguaient nos esprits sur les banquettes du sous-sol de l'université de Lille III. Il semblait heureux de me connaître. Le désespoir de Che-Nen s'éteignait lentement. La question d'une vie commune fut même évoquée.
 En mai, les examens sonnèrent le glas.
21 – Rajoha (partie 2/3)

mardi 6 décembre 2011

20 – Rajoha (partie 1/3)

20 – Rajoha (partie 1/3)Ne pas le décevoir. Attiser son envie de revenir. Avaler donc mais déjà l'idée de son absence me pèse. Rencontre improbable que Rajoha. Octobre 1992 : je traine mon ennui dans les longs couloirs de la faculté où je me suis inscrit. Reprendre des études tardives, histoire d'échapper à un quotidien idiot. Ce mercredi, vers 13h30, au sous-sol, un amphi éructe un flot d'étudiant de deuxième année.
20 – Rajoha (partie 1/3) 
 
 
 
 
Parmi eux, lui. Petit – il m'arrive à l'épaule – sec, crépu, racé. Noir : sa peau, ses cheveux, ses yeux. Noyé parmi ses camarades, avec qui il rigole, il attrape mon regard comme une bouée de sauvetage. Vingt minutes plus tard, son sexe s'ancre profondément dans ma bouche. Avaler, même si l'idée de son absence me pèse.
 
 
 
 
  
Quelques mois de cette relation éponge un peu le souvenir de Che-Nen. Rajoha me ravit, me rapte, m'évade. A Lille, dans des restaurants asiatiques du quartier de la gare, nous cimentons cette nouvelle relation potentielle. Rajoha est Malgache.
 

dimanche 4 décembre 2011

48 – Télescopage

Pourquoi lui a-t-elle ouvert notre porte ? Cette voix incertaine – un peu rauque même, éraillée à l'occasion – meublait le salon d'une conversation intimiste. Elle écoutait, silencieuse, cet inconnu d'à peine 16 ans. Désarmée face à cette candeur. Impuissante devant tant de beauté. Percluse de douleurs muettes. Tétanisée à l'idée d'une défaite annoncée. Elle souffrait. S'organisait-elle déjà pour me faire payer cette torture ?


Pourquoi était-il venu jusqu'à notre porte ? Egaré dans cet amour de géants, Che-Nen s'embourbait, pétri d'incertitudes, en quête de réponses mais à d'éternelles fausses questions. Sans s'en apercevoir, il livrait à ses pieds les armes qui me tueront. En proie sans cesse à son image kaléidoscopique, morcelée, toujours éparpillée, Che-Nen émit le souhait de se pencher sur mon fils endormi. Tous deux d'ailleurs -- pur hasard ? -- portent le même prénom français. Et tel mon père qui se pencha sur ce petit-fils, trois ans auparavant, déroulant ainsi d'un regard le fil rouge de la paternité, je crus percevoir dans le regard de ce jeune amant, la même volonté de se reconnaitre. Aujourd'hui encore, lorsque je regarde mon fils -- dont la mémoire n'a gardé aucune trace de cet épisode de mars 1991 -- je revois se pencher et mon père et Che-Nen. Troublant télescopage.
Je n'avais plus qu'à rentrer, m'asseoir et attendre mon sort. La gentillesse à mon égard dont elle fit preuve devant Che-Nen n'eut d'égal que le sadisme avec lequel elle m'achèverait plus tard. Confusément, je mesurais le danger encouru à l'indifférence de son regard. Pourtant, je me suis assis, j'ai pris part à la conversation soi-disant anodine. Et j'ai attendu sa vengeance. Avec la même angoisse – sourde et faussement calme, dit-on – que les condamnés à mort.

vendredi 2 décembre 2011

47 – Ruptures - children in the wild (partie 3/3)



Seventeen years not over a day
Like children in the wild
Your mama's milk still wet on your face
And no one wants to pray for your safe journey home




1990-2007, dix-sept ans durant, nous avons appris. Moi : à me reconnaître chaque fois un peu mieux dans des miroirs de moins en moins aléatoires. Che-Nen : à déployer dans toute leur envergure ses ailes majestueuses, seule garantie de son indépendance.





Servants who leave their masters house
Are walking all the way. 





Che-Nen vers l'Est, moi vers l'Ouest ? Quelle que fût la direction prise ce samedi 14 avril 2007, l'objectif – pour lequel dix-sept ans de combat furent nécessaires – nous était commun. Tant de batailles à l'issue mitigée ! Tant de luttes vainement tentées... Mais chaque fois, une distance acquise chèrement, durablement, qui nous garantissait, nous affirmait un peu plus notre identité. 














If you knew then what you know today
You'd be back where you started a happier man
And leave all the glory to those who have remained.






Ces passés si cruels desquels nous nous sommes arrachés ! Tant d'efforts pour donner un sens à nos vies ! Che-Nen au sein d'une Asie anonyme. Moi, au bras de Maki.







[ Les paroles : Deep in the Motherlode sur l'album And then they were three... de Genesis ]

mercredi 30 novembre 2011

46 – Ruptures – Go West (partie 2/3)



Maubeuge, résidence Machintruc, samedi 14 avril 2007, 02h00 du matin. Le réveil sonne. Les bagages sont prêts. Du café, une toilette rapide : direction la Bretagne pour des vacances de Pâques bien méritées. Personne ne m'y attend. Libre depuis quelques mois, partir à pas d'heure est un plaisir infini. La nuit, les routes silencieuses, désertes et méconnaissables, j'adore !
Parti à 03h00, le trajet se déroulera sans encombres. Mes premières vraies vacances en célibataire depuis 1985 ! Je-fais-ce-que-je-veux ! Je flâne. J'emprunte des itinéraires au hasard. Une impression de liberté. Défricher des plaines immenses, désertes et nues. Arrivé sur les 16h00, un peu fatigué.
Le soir même, chacun à un bout de la planète, nous tentons de récupérer de notre périple. Che-Nen, je ne sais pas comment. Moi, par une douche bienfaitrice. Un peu plus tard dans la soirée, je me laverai la tête de toutes ces conneries qui m'assaillent les neurones, mon cul offert aux plus dégourdis.
Ce samedi 14 avril 2007, Che-Nen fêtait ses 33 ans. Moi, une défaite de 22 ans. Il s'exilait volontaire à l'autre bout du monde. Je rencontrais Maki par hasard.

lundi 28 novembre 2011

45 - Ruptures - Go East (partie 1/3)



Frankfurt/Main International Airport, samedi 14 avril 2007, 01h00 du matin. Che-Nen boucle sa ceinture. Un dernier coup d’œil machinal, distrait, à travers le hublot, n'y rien apercevoir vraiment. L'avion glisse en bout de piste, s'ébranle, se raidit, quitte le tarmac. Dans dix heures, atterrissage à Haneda. Vers 23h00, Incheon. A cause des embouteillages, quatre heures pour rejoindre Daejeon. Dix jours en France l'ont rendu un peu lent, lourd, mélancolique.




Durant le vol, la compagnie, lui offrira bien une bouteille de champagne pour fêter ce 33ième anniversaire d'un client fidèle. Les bulles, ni même le repas, ne parviendront pas à éponger cette nostalgie qui lui enserre la poitrine. 33 ans ? La belle affaire !





Il part pour longtemps. Pour une multinationale. Un travail d'ingénieur. Beaucoup d'argent à la clé. Mais ces perspectives d'une carrière internationale le laissent de marbre. Ces yeux noisette sont assombris par de vagues souvenirs. Quittant l’Europe, un peu de sa jeunesse s'éloigne. Dans son esprit, aucun mot ne formule ce soucis. Trop d'émotion souvent étouffe les notions. Son regard noir, seul, laisse transparaitre cette indicible angoisse.

dimanche 27 novembre 2011

21 - Banal moral


22 – Banal moralYopé est vraiment un mec génial. Les quelques mots échangés ce soir. Les confidences chuchotées. Les ragots papotés. Les vannes balancées. Le banal balayé ! Le moral remonté ! La vie est belle quand elle s'éclaire de ces mots-là émis entr'amis.
Je l'aime comme mon petit frère. Je suis fils unique, t'es sûr ? Alors je me l'invente, le gamin. Et avec lui, ma famille. Une construction libre, choisie et tellement plus belle ! Merci Yopé pour cette succulente soirée.

22 – Banal moral

vendredi 25 novembre 2011

44 - "Je t'aime"



Ce 30 décembre 1991. La chose accomplie, Che-Nen se relève, remonte son pantalon, s'essuie les lèvres d'un revers de la manche et me sourit. Ses petits yeux noisettes se plantent dans les miens – bleus et déjà vides de son image. 
Comme souvent en ces cas-là, après l'acte, ils repartent, silencieusement, discrètement, honteusement. Je m'apprêtais donc à lui voir le dos rond sous le manteau, ses traces de pas dans la neige comme seules preuves de sa présence.








Comme je reboutonnais ma braguette, je perçus une lueur dans son regard. Un léger frémissement des narines aussi. Ses lèvres, et les muscles autour, se mirent en mouvement. Des sons s'entendent. Du sens chemine en même temps que ces sons courts, brefs et quasiment inaudibles. Des mots que j'attends depuis trente longues années. Trois. Les plus simples. Les plus rares.

43 - Guanahani



Quels mots exacts murmurés à l'oreille ? Le souvenir devient coquet avec le temps, refuse de se livrer sans effort. Seuls restent des sons, des odeurs. Une sensation inouïe aussi.
Les narines pincées par le froid. Quatre coups du carillon viennent colorer la blancheur du brouillard. L'église toute proche rythmait ainsi les lieux de drague de Maubeuge. Sa joue réchauffe mal la mienne. Des mains précipitées confondent boutons et couture. Sa bouche entrouverte exhale une vapeur un peu grise, tiède. L'odeur de tabac froid se mélange aux urines inconnues. Enfin, ses doigts gourds glissent sur la peau fragile de mon sexe.
Cette année 1991 toute proche, peut bien arriver ! A cet instant précis, elle sera forcément belle malgré le quotidien. Grandiose en dépit de mon métier. Libératrice malgré la trentaine qui s'amorce. Che-Nen, à mes pieds, est entrain de construire un monde nouveau. Le Paradis, pensait Colomb, foulant la première fois la plage de Guanahani, un 12 octobre 1492. 

jeudi 24 novembre 2011

20 – A chacun son Freddie !



Le mien, c'est une interview dans Rock § Folk, avril 1978.
Une voix. Un corps. Une présence. Depuis cette "rencontre", nous ne nous sommes plus vraiment quittés. Du haut de mes 17 ans, il a été l'une des premières instances d'un paysage jusque là inconnu. S'y promener me désorientait délicieusement. Une certaine façon de vivre, différente, autre. Se construire une identité au sein même de l'altérité. Plus tard, certains d'entre eux -- dont lui -- auront pour lourd fardeau d'illustrer la maladie. La rendre publique, moins honteuse, plus acceptable.
Ce 24 novembre 91, pas de surprise, juste une très grande peine. Une pierre venait de se teindre en noir. D'autres suivront, hélas.





Farrokh Bulsara (5 sept 1946-24 nov 1991)