mercredi 6 juillet 2011

16 - Départs


17 - DépartsThierry. 2H. Erich. Che-Nen. Mourad. Rajoha. Nouredine. Yopé. Point commun ? Tous sont partis. Les uns définitivement, les autres temporairement. Certains sont vraiment morts. D'autres font comme si. La liste est plus longue en fait. La question : pourquoi les départs me blessent-ils autant ? Tentative de réponse :
Un soir de printemps. Je suis couché sous les draps blancs, nu, il fait très chaud. Par la fenêtre, la ville s’engouffre avec la nuit. La porte s'ouvre. Un visage assombri se penche sur moi, m'embrasse tendrement sur le front, se recule. Je rouvre les yeux : je ne vois que son dos dans la touffeur orangée du coucher de soleil. Elle s'éloigne.
17 - Départs
Et j'éclate en larmes. Ce visage, ce dos, celui de ma mère, 41 ans. J'ai 7 ans. Jamais elle ne parviendra à me consoler. Encore aujourd'hui, je dois me méfier de certains couchers de soleil. Inconsolable.

mardi 5 juillet 2011

25 - Choix


25 - Choix
Une fin d'après-midi d'octobre 1993, dans les 18h00. Sombres, les nuages et mon âme. Quatrième verre de Four Roses sur blocs de glace. Péché mignon depuis quelques mois. Je viens de raccrocher une longue conversation téléphonique. 2H vient de me dire qu'il ne m'aimait pas. 2H est mon roseau sauvage. A la Téchiné, bien-sûr. Un enfant gémit au loin. Je suis écroulé au bas d'un mur, dans l'entrée de l'appartement. La tête penchée sur ce téléphone qui résonne dans le vide.
25 - Choix
Une main d'enfant vient me le prendre du creux de ma main et le replace sur le combiné. C'est mon fils, il va bientôt avoir 5 ans. Adorable, blond comme les blés. Me ressemble comme deux gouttes d'eau. Je l'aime infiniment. Son vieux père de 33 ans pleure comme un enfant et l'enfant de 5 ans lui ceint le cou de ses petits bras.
C'est ce soir-là que ça s'est décidé. De manière diffuse. Il fallait choisir. Ce soir-là, j'ai choisi.



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lundi 4 juillet 2011

24 - Mue

24 - MueDeux ans ? Trois années pleines, oui ! Pour changer d'enveloppe. Complexe. Personne ne m'a appris à faire ça. De nature peu militant, je n'ai pu que vivre les choses. Les conceptualiser ? Impossible.
L'après-Che-Nen a donc été vécu comme une transformation. D'abord, j'ai dû versé toutes les larmes que tous les pédés du monde, depuis des siècles et des siècles d'oppression, n'ont pu verser...au moins deux océans Pacifique !



24 - Mue


Ensuite je me suis mis – lentement mais sûrement – à boire. En moyenne, trois bouteilles de bourbon four roses par semaine. La collection impressionnante de figurines de plomb que j'ai !
J'étais anesthésié. Convaincu que ma jeunesse d'alors résolvait tout. Et de fait, elle trouvait chaque fois une solution aux problèmes qui ne manquaient pas de se poser.
Nous possédions, dans un coin du bâtiment où notre logement se situait, une petite chambre inoccupée. Un temps, il avait été question d'y héberger (à sa demande car il voulait fuguer) Che-Nen. Du coup, elle devint mon repère. Que n'ai-je passé de soirées, à me rouler par terre, alcoolisé, lamentable loque humaine, chialant jusqu'à la moindre goutte.




24 - Mue




Même son sourire narquois d'alors ne me conscientisait pas. Je la traitais de salope. Parfois intérieurement. Parfois de vive voie. Elle se drapait – rôle si aisé – dans sa dignité de mère bafouée. Une fois de plus, ce sont les enfants qui m'ont réveillé.

09 - Friches et récoltes

Après ces hésitations d'hiver, 2008 a pointé le bout de son nez tout froid. Il a fallu, un fois rétabli et – la trithérapie ayant changée dans sa formule – les Cd4 remontés lentement, reconquérir le « terrain perdu ».
Maki pensait que je l'avais jeté. Invité pour la seconde fois chez moi, nous retrouver mais aussi discuter. Préciser, mettre au point, qualifier, nier, trier, réfuter. Enseigner aussi. Pour les avoir vécues, je savais les angoisses qui le tourmentaient. Ce n'est pas une chose simple de parler du mogwaï. Surtout lorsque c'est le sien. Encore plus si il est en contact avec l'amour de sa vie. Il a fallu en écrire des mots, en grandes lettres, sur des murs ! Des mots simples pourtant mais incompréhensibles pour qui baigne dans la peur. Les écrire en très grand en se haussant sur la pointe des pieds dans des efforts toujours ultimes. Les prononcer haut et fort, les rendre intelligibles.






 



Les discussions furent agitées, mouvementées, argumentées, houleuses, tempétueuses. Sporadiques aussi, du fait que nous n'habitions pas dans un même lieu. Je suis même allé jusqu'à l'inviter à rencontrer Fa afin qu'elle parvienne à calmer ses inquiétudes. Et si 2008 fut une année de friches, 2009 récupéra tous les fruits plantés.




Depuis, Maki est un amant adorable. Un compagnon hors-pair. Et toujours je suis à la fenêtre, l'attendre.

dimanche 3 juillet 2011

11 - Yopé

Quelle image, il me renvoie ? Quelle vieille vase, ses mots sont-ils allés remuer ? Pourquoi ces larmes m’inondent-elles dès que je pense à son prochain départ ? Est-ce son départ qui me rend si nerveux ? Ce n'est qu'un collègue après tout !
16 - Yopé
Trouver la raison de ce trouble, sinon il va m'en vouloir, ne voudra peut-être plus me voir si je pleure trop... Trouver la cause ! S'approcher d'une rive et s'observer à la faveur d'une mare paisible : chercher, fouiller en soi les souvenirs que ce gamin de trente ans m'évoquent et qui me noient au détour de chaque mot que nous échangeons.
Il m'a dit quoi au juste ? Qu'il me trouvait du talent, que ce blog était beau, que j'étais vraiment un littéraire. Et aussi que j'avais été un collègue bien agréable durant ces dix ans passés dans le même collège. Et c'est à la fois ces mots et son éloignement qui m'émeuvent si fort. Il aura fallu que j'attende si tard pour trouver mon reflet dans ces yeux-là.
Son départ dans l'Ouest provoque en moi une peine incommensurable. Et si ça continue ainsi, je vais lui consacrer une rubrique à part entière, à Yopé ! C'est le pseudo que je lui ai trouvé. Comme un gant !

samedi 2 juillet 2011

15 - Piiiiiiiirate !

Et le monde est empli de sourds et de muets, non ? Ou je me trompe ? Petit déjà, les jeux avec les camarades étaient sur ce mode-là : des indiens, des cow-boys ou des gangsters , des policiers ou des gentils, des méchants. D'ailleurs, je jouais très rarement à ces jeux. Je n'y étais jamais à l'aise et les affirmais idiots.
15 - Piiiiiirate !
De loin, je préférais jouer seul. Au corsaire, dans ma chambre. Mon lit était un vaisseau que je défendais des Espagnols. Trop nombreux, ils me faisaient prisonnier. Me déshabillaient. M'attachaient nu au mat. Me fouettaient jusqu'à ce que j'avoue je-ne-sais-quel secret. De fait, nu sur mon lit, les bras collés au mur, je criais mes douleurs d'endurer un tel supplice. Mais je me taisais !
Freud disait que les enfants étaient pervers (entendez un sens psychanalytique à ce mot, merci). C'est qu'ils ont besoin d'adapter le monde à leurs dimensions. Non l'inverse. Dans mon supplice du mat, un frère venait me libérer et nous finissions l'histoire rien qu'à deux, loin de toutes ces méchancetés. Nus et pauvres mais heureux et riches de nos vies.
Ce frère m'a toujours manqué.
15 - Piiiiiirate !

03 - shù ( 数 )

 

Cinq jours. Cent-vingt heures avant de rejoindre mon copain, mon mec, mon homme... Appelez-le comme vous voulez ! Ou même ne l'appelez pas ! Je m'en chargerai : je l'épellerai, je l'épilerai, je l'appellerai, je l'épaulerai. Et sa voix fera écho à ma voix !


Nous ne serons alors que deux au monde. Un chiffre magique. Chiffre se prononce [shù]  数, en Chinois. Peut aussi signifier le sort, le destin.



vendredi 1 juillet 2011

10 - Come out (to me)

15 - Come out (to me)
- « Tu viendras nous voir, au moins ?
- Mais oui, bien-sûr ! »
Un temps, court mais ressemblant à une éternité parce que c'est forcément ce qui va suivre que je devais entendre :
- « Ah ! Au fait...ma copine s 'appelle G...... »
J'ai rien répliqué de particulier ni de cinglant contrairement à mon habitude. « Sa copine est un copain », ça c'est pas une info c'est juste la confirmation d'une intuition. Maki avait aussi cette présomption mais je m'étais rangé à la dernière déclaration officielle de mon collègue de travail...un discours du genre « elle ne veut pas que... je ne sais pas si elle va... » Bon ok, je m'étais, avec une certaine déception, plié à l'idée que mon collègue était hétéro. La déception tenant au fait que je me targue de rarement me tromper sur les gens. J'ai comme un don, inné presque, qui me fait jauger mes interlocuteurs et, vraiment rarement, je me goure.
La déception tenait aussi – et surtout – au fait qu'il ait mis 10 ans avant de me le dire clairement. Tant de choses aurait changées si il avait su – pu – faire ce coming-out avant... Mais bon, c'est son choix. Je ne peux lui en vouloir. "C'est chacun sa vie, chacun son chemin" chantait Tonton David ... Dans des moments très noirs, je pense tout de même que la lumière qu'il aurait pu m'insuffler m'aurait permis de trouver plus rapidement les bonnes solutions.
Toujours est-il que nous ne travaillerons plus ensemble. Rien de grave car je vais lui proposer mon coming-out aussi en lui téléphonant l'adresse de ce blog.