lundi 24 janvier 2011

04 - School

L'année que nous venions de passer à Nantes avec les enfants avait fait tanguer notre navire. Déjà qu'il avait pris un peu l'eau depuis trois ans et demi que nous naviguions ensemble sur cette Terre.... Notre retour sur Maubeuge puait la manœuvre d'évacuation d'urgence : sortir les canots, évacuer les plus fragiles et tenter de se sauver soi-même enfin. Sans doute je balisais à l'idée de m'engager sur un sentier bizarre : comment parvenir à concilier tous ces hommes qui se multipliaient en moi...l'ex étudiant de Lettres, le futur trentenaire, le marié, le père, l'amant, le fils...et maintenant le prof ! Ça commençait à faire beaucoup de personnes à gérer... D'autant plus compliqué que je ne me suis jamais senti le droit de convoquer tous ces gens au même endroit.04 - School
Aucun souci mitterrandien là-dedans de cloisonner une vie multipliée ou de cacher quoique ce soit à qui que ce soit. En aucun cas deux de ces avatars ne se seraient télescopés dans la même pièce parce que je suis incapable de décevoir l'Autre tant mon bonheur dépend du Sien.
Le jour de mon trentième anniversaire, c'était un samedi de décembre 1990, il avait neigé toute la nuit précédente. Les enfants faisaient leur sieste comme d'habitude. Leur mère me faisait la gueule comme d'habitude. Je suis sorti faire un tour en ville, écouter du Supertramp à fond dans la voiture était un plaisir sans fin. En 81, j'avais été les voir à Lorient en concert. Depuis septembre, la promesse de ne plus fréquenter les remparts pour éviter de mélanger les genres me pesait. Mon regard aperçut sa silhouette noire qui se découpait sur ce ciel laiteux. Un gamin fumait nerveusement. Il m'attendait en fait. Il ne pouvait que m'attendre. Et je ne pouvais qu'arriver à lui. Cet après-midi-là, je suis né avec trente ans de retard. Je ne savais pas que ça faisait si mal de respirer l'air, si difficile de mettre un pied devant l'autre pour avancer. Il écoutait aussi du Supertramp.
04 - School

Aucun commentaire: