samedi 18 avril 2015

02 – Folies




La bête est immonde. Mythologique, à la manière d'une Gorgone : la frôler vous mange, vous pétrifie, vous exclut de l'Humanité. Et de quoi donc se nourrit la folie de ma mère ? De ses souvenirs, de sa mémoire, du peu qu’il reste à un être vivant pour se dire un être humain. Un sentier de 89 ans s’efface cruellement. Ou cette cruauté nous est-elle due, qui la fuyons honteusement ? Nul fou coupable parmi ses enfants, dont moi : leurs écarts préservent leurs propres souvenirs de elle, intacts. Un rire nous saisit, nous surprend. Une danse esquissée, multipliée de nos ombres. Tout cet infernal fatras affaiblit nos tristesses et le rire enfle. Le rire délire.

 
Cette guerre-là est vaine. Réfugié, le sommeil m’accueille souvent. Redevenu un enfant confiant, lui abandonner mon corps fatigué passe pour une trêve. Ou est-ce sa fourberie ? Nu, défenses basses, mes souvenirs heureux affrontent ce hideux présent dans des lits cauchemardesques. Mes réveils deviennent vraiment cruels.

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