La bête est immonde. Mythologique, à la manière d'une Gorgone : la frôler vous mange, vous pétrifie, vous exclut de l'Humanité. Et de quoi donc se nourrit la folie de
ma mère ? De ses souvenirs, de sa mémoire, du peu qu’il reste à un être
vivant pour se dire un être humain. Un sentier de 89 ans s’efface cruellement.
Ou cette cruauté nous est-elle due, qui la fuyons honteusement ? Nul fou coupable
parmi ses enfants, dont moi : leurs écarts préservent leurs propres souvenirs
de elle, intacts. Un rire nous saisit, nous surprend. Une danse esquissée, multipliée de nos ombres. Tout cet infernal fatras affaiblit nos tristesses et le rire enfle. Le rire délire.
Cette guerre-là est vaine. Réfugié, le
sommeil m’accueille souvent. Redevenu un enfant confiant, lui abandonner mon
corps fatigué passe pour une trêve. Ou est-ce sa fourberie ? Nu, défenses
basses, mes souvenirs heureux affrontent ce hideux présent dans des lits
cauchemardesques. Mes réveils deviennent vraiment cruels.
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