vendredi 29 novembre 2013

78 - Refuge




Seul, le geste compte – ni sa cause ni son effet. Au creux de l’instant, ainsi abrité des mouvements du temps, je peux respirer – vivre ? Ainsi, d’un pas léger et sûr, je peux rejoindre mon amant. A 500 mètres, sa maison. A son collège, tourner à droite. En sortant de la voiture, le soleil froid de cette fin d’après-midi noie le cimetière où il repose d’un rouge sanguin. Ce quartier était celui de Che-Nen. Etrangement, il m’a fallu quelques mois pour comprendre cette singulière géographie.





Le moment précis – donc, seul moyen d’y échapper – m’offre le refuge idéal. Lui seul possède ce pouvoir d’éloigner d’insupportables images : un Che-Nen juvénile, son cadavre comme seul corps, décharné, décomposé de quelques mois à peine. Ou encore, ce Che-Nen adolescent aux rêves les plus fous, empâté, englué dans une vie bourgeoise d’expatrié.
Peut-être même que mon amant lui-même est devenu mon refuge. Que son désir en moi douloureux chasse la douleur de cet écartèlement du temps. Et se dire avec entrain – faute d’en être tout à fait convaincu – que la Vie, logique, se doit toujours de l’emporter sur la Mort. Au creux de l’instant, un doute persiste néanmoins.

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