Quelques
notes de piano comme elle les aimait m'entendre jouer. Devenir musicien
pour elle. Ou acrobate. Ou menuisier. Ou potier. Ou écrivain. Ou
moi-même ? L'enfance s'égare souvent dans le champ des possibles.
Juste
avant de partir à la plage, le téléphone retentit. La voix grave de mon
père me demande de rentrer au plus vite. Août 1985, mes 24 ans
ordinairement s'écoulent dans une Bretagne immuable. Seul cela restera,
n'est-ce pas ? Ni les gens, ni les animaux, tout se finit. Ni les
souvenirs que le temps transformera peut-être en vestiges si le hasard
s'en mêle ?
La
peur me saisit soudain. Bien-sûr des larmes voilent mon regard mais
cette main... Cette main tantôt caressante, tantôt hargneuse... Là,
ridée, froide, molle. Ses ongles un peu jaunes me grattent la paume,
légèrement, amicalement, tendrement. Elle meurt mais encore tente de
consoler l'enfant.
Peu
à peu, ses yeux s'éteignent. Elle accepte, soulagée d'un monde
douloureux mais angoissée de m'y laisser seul. Partie, elle me devine nu
comme un ver, exposé. Comment faire ? Retourner les dangers. Exposé ?
Non ! Ouvert. Offert au plus offrant. Amèrement, l'adulte dépiautent les
oripeaux de l'enfance.
2 commentaires:
Beau texte, affleurant la tristesse avec retenue.
Merci beaucoup pour ce compliment. Il me touche d'autant que je tenais à ce que ces mots rendent hommage à celle-là qui m'a élevé à la place de ma mère.
Enregistrer un commentaire