vendredi 3 août 2012

34 - Oripeaux

pianoQuelques notes de piano comme elle les aimait m'entendre jouer. Devenir musicien pour elle. Ou acrobate. Ou menuisier. Ou potier. Ou écrivain. Ou moi-même ? L'enfance s'égare souvent dans le champ des possibles.
Juste avant de partir à la plage, le téléphone retentit. La voix grave de mon père me demande de rentrer au plus vite. Août 1985, mes 24 ans ordinairement s'écoulent dans une Bretagne immuable. Seul cela restera, n'est-ce pas ? Ni les gens, ni les animaux, tout se finit. Ni les souvenirs que le temps transformera peut-être en vestiges si le hasard s'en mêle ?
livresLa peur me saisit soudain. Bien-sûr des larmes voilent mon regard mais cette main... Cette main tantôt caressante, tantôt hargneuse... Là, ridée, froide, molle. Ses ongles un peu jaunes me grattent la paume, légèrement, amicalement, tendrement. Elle meurt mais encore tente de consoler l'enfant.
Peu à peu, ses yeux s'éteignent. Elle accepte, soulagée d'un monde douloureux mais angoissée de m'y laisser seul. Partie, elle me devine nu comme un ver, exposé. Comment faire ? Retourner les dangers. Exposé ? Non ! Ouvert. Offert au plus offrant. Amèrement, l'adulte dépiautent les oripeaux de l'enfance.

dormir8

2 commentaires:

André a dit…

Beau texte, affleurant la tristesse avec retenue.

Guy Zulma a dit…

Merci beaucoup pour ce compliment. Il me touche d'autant que je tenais à ce que ces mots rendent hommage à celle-là qui m'a élevé à la place de ma mère.