Pour
la première fois de ma vie, un homme – outre mon père – posait sur moi
un regard dénué de toute concupiscence. Délivré de cette obligation de
plaire, ma parole – d'ordinaire si futile – devint subtilement sensée.
Chacun des mots – inconscientes bulles – de mon récit semblait
entr'ouvrir une porte jusque-là désespérément scellée.
Tentative
désespérée d'expliquer en moins d'un quart d'heure plus de vingt-neuf
ans d'une vie illogique, absurde, absconse. L'urgence imposait
l'impossible. La répétition faisait sens : trop de malaises succédaient
aux malaises. Le quotidien, improbable chaque jour, devenait peu à peu
ingérable.
- Père !
- Pardon ?
- Le père est absent de votre discours !
De
cet instant, identité et sexualité s'élaborèrent lentement, séparément,
au long des trente minutes de consultation hebdomadaire, dix ans
durant. Devenir n'a pas été une sinécure mais une lente conquête. A la
mort de mon père – dix ans plus tard – notre relation médicale, amicale,
s'éteignit elle aussi. Logiquement.
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