vendredi 24 août 2012

35 – Substitut

Pour la première fois de ma vie, un homme – outre mon père – posait sur moi un regard dénué de toute concupiscence. Délivré de cette obligation de plaire, ma parole – d'ordinaire si futile – devint subtilement sensée. Chacun des mots – inconscientes bulles – de mon récit semblait entr'ouvrir une porte jusque-là désespérément scellée.
freud
Tentative désespérée d'expliquer en moins d'un quart d'heure plus de vingt-neuf ans d'une vie illogique, absurde, absconse. L'urgence imposait l'impossible. La répétition faisait sens : trop de malaises succédaient aux malaises. Le quotidien, improbable chaque jour, devenait peu à peu ingérable.

pere et fils2Un souffle vient briser ce long silence du fou : père.
- Père !
- Pardon ?
- Le père est absent de votre discours ! 



jeune homme nu assis
De cet instant, identité et sexualité s'élaborèrent lentement, séparément, au long des trente minutes de consultation hebdomadaire, dix ans durant. Devenir n'a pas été une sinécure mais une lente conquête. A la mort de mon père – dix ans plus tard – notre relation médicale, amicale, s'éteignit elle aussi. Logiquement.

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