mardi 23 août 2011

12 - Ravissement

- «  Bonjour monsieur Machin ! »17 - Ravissement
Ah, ce style d'interpellation, je connais : nul doute, un ancien élève. Le plus agréable, à cet instant – au moment même de se retourner – est de coordonner le son entendu avec un souvenir, avec une image, un visage aussi familier que la voix. C'est comme un plongeon.
Le monsieur que je dévisage rapidement m'est inconnu. Seul l'air amical qu'il affiche me dit qu'il est sympathique. Et l'a été, si c'est bien un ancien élève. Du coup, je le joue franc-jeu :
- « Désolé... J'ai pas la mémoire des noms...mais puisque tu sembles avoir passé la trentaine, je pense que tu peux me tutoyer ? »
Il a tenté le truc de la devinette mais, face à mon impatience, a vite laissé tomber : « C'est moi ! Nouredine ! Nouredine S...... » Je tombe des nues ! Lorsqu'il était mon élève, dans les années 90, le petit Nouredine était un ado un peu chétif, pas sûr de lui et incertain de son avenir. Là, devant moi, s'étale un homme à la trentaine assurée, dégarni, ventru, élégamment habillé avec simplicité, l'air posé et serein.
C'est qu'il en a vu des choses, en quinze ans. Il a fait carrière à l'internationale (pas le droit ici de dire dans quoi mais c'est super bien). Il a côtoyé de grands noms. Il en a chié des ronds de chapeau pour y arriver. Muet, j'observe son regard tout en lui prêtant une oreille attentive. Et je retrouve le petit Nouredine que j'ai connu et apprécié : ses yeux pétillants comme ceux d'un gueux devant une vitrine de Noël d'un grand magasin. Sauf que là, il a osé passer le seuil et a quasiment déjà acheté toute la vitrine...
17 - RavissementNous nous sommes engouffrés tous deux dans ce tunnel temporel en discutant sans voir le temps passer, heureux de nous être revus l'un l'autre. J'étais rentré dans ce supermarché à 18h00. J'en suis ressorti à 20h00 en affichant un sourire béat. Heureux. Simplement heureux de voir le parcours d'une vie humaine réussi. Merci Nouredine.

 
(Précision : ni le prénom ni les initiales ne correspondent à sa vraie identité. Trop de respect envers lui m'impose cet anonymat.)

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