Ah,
ce style d'interpellation, je connais : nul doute, un ancien élève. Le
plus agréable, à cet instant – au moment même de se retourner – est de
coordonner le son entendu avec un souvenir, avec une image, un visage
aussi familier que la voix. C'est comme un plongeon.
Le
monsieur que je dévisage rapidement m'est inconnu. Seul l'air amical
qu'il affiche me dit qu'il est sympathique. Et l'a été, si c'est bien un
ancien élève. Du coup, je le joue franc-jeu :
-
« Désolé... J'ai pas la mémoire des noms...mais puisque tu sembles
avoir passé la trentaine, je pense que tu peux me tutoyer ? »
Il
a tenté le truc de la devinette mais, face à mon impatience, a vite
laissé tomber : « C'est moi ! Nouredine ! Nouredine S...... » Je tombe
des nues ! Lorsqu'il était mon élève, dans les années 90, le petit
Nouredine était un ado un peu chétif, pas sûr de lui et incertain de son
avenir. Là, devant moi, s'étale un homme à la trentaine assurée,
dégarni, ventru, élégamment habillé avec simplicité, l'air posé et
serein.
C'est
qu'il en a vu des choses, en quinze ans. Il a fait carrière à
l'internationale (pas le droit ici de dire dans quoi mais c'est super
bien). Il a côtoyé de grands noms. Il en a chié des ronds de chapeau
pour y arriver. Muet, j'observe son regard tout en lui prêtant une
oreille attentive. Et je retrouve le petit Nouredine que j'ai connu et
apprécié : ses yeux pétillants comme ceux d'un gueux devant une vitrine
de Noël d'un grand magasin. Sauf que là, il a osé passer le seuil et a
quasiment déjà acheté toute la vitrine...

(Précision :
ni le prénom ni les initiales ne correspondent à sa vraie identité.
Trop de respect envers lui m'impose cet anonymat.)
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