17
juillet 81. La matinée est bien avancée lorsque j'émerge enfin de la
nuit. Sur la table du petit-déjeuner, une feuille où je lis ce poème.
Accablé
par un sommeil profond, je ne l'ai pas entendu quitter le lit. Ni la
chambre. Ni la maison. Ni ma vie. Il s'est évadé de mon cœur aussi
discrètement qu'il y était entré bruyamment.
Un ami
"Que c'est beau de voir un ami Voir un ami pleurer,
Se reposer à ses côtés C'est comme entendre chanter la Mort
Sans bouger, sans parler, Juste à ses pieds,
Comme le fait la nuit, Narguant le reste de vie qui peut
Bercé par le vent du Nord Subsister en cet être transi par la tristesse
Qui n'amène que la Mort Qui n'est que langueur au fond d'un cœur
Car le Nord n'est que le froid Trop serré, trop asséché
Et le froid ! N'est-il pas Mort, Par le monde qui ne peut comprendre
Mort dans le cœur, mort dans le corps. Un homme qui recherche l'amour
----------- Au fond de l'Amour ."
Erich.
Américain d'origine, il en avait toutes les richesses et toutes les
lourdeurs aussi. Son mètre quatre-vingt-quinze, le visage volontaire – parfois buté – une carcasse de rugbyman, faisait de lui un adolescent de 17 ans un peu gauche. Il adorait lutter, les hamburgers, Miami (où vivait son père), Count Basie, le Coca-Cola. Une vraie image d'Epinal !
Une
pièce d'un demi-dollar – à l'effigie de J.F.K. – empêchait les courants
d'air d'emporter cette feuille. Elle était posée sur sa signature -- E.
L. -- au bas droit de la page.
Malgré
de multiples démarches, il n'a plus jamais répondu. Ni à mes coups de
fil, ni à mes lettres passionnées, ni à mes coups de sonnette à sa porte
nazairienne. De cet abandon, en moi a germé peu à peu l'idée d'une
non-valeur. Les miroirs ne renvoyaient plus aucune image. J'étais seul,
nu, recroquevillé sur un petit caillou au milieu de rien.
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