09
juin 1993, Resto-U de l'Université Charles de Gaulle-Lille III. Juché
sur un haut tabouret inconfortable, un café, une cigarette. Chaos des
conversations. Douze heures bientôt, l'esplanade bourdonne d'étudiants
en quête du déjeuner. Depuis toujours, attendre m'est un calvaire.
Attendre Rajoha relève du supplice.
Avec
négligence, mon regard contemple le ressac humain. Des formes, des
couleurs, des visages s'entortillent aux odeurs et au brouhaha. Les
foules me haïssent dorénavant. Mes tempes martèlent une lointaine
chamade. Les cigarettes n'étouffent plus l'angoisse. Au milieu de ce raz
d'images, une lueur soudain me tétanise : Rajoha en grande discussion.
Ses mains virevoltent devant lui, signe d'une agitation joyeuse. Tel un
phare, son sourire déchire la foule. Son regard neutre croise le mien au
travers de la large baie. Avec indifférence, il passe mon chemin.
Rajoha
s'est trouvé un autre ami, visiblement plus jeune que moi. Ma
différence s'éloigne à jamais avec un inconnu. Un monde inexploré
s'étale désormais à mes pieds, ultime cadeau de ce noble étranger. Un
monde d'espérances, multicolore, cosmopolite. Bien-sûr un silence
stupéfait accompagne mes larmes mais pour la première fois depuis
Che-Nen, il m'est permis d'augurer d'une nouvelle dimension.
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