Les
rideaux frissonnent. De nouveau, la maison se vide, froide, lente. Les
marbres du sol zèbrent la mélancolie. Du fond de sa cuisine, une femme
appelle pour me distraire de la peur irrépressible. Où est-il allé ? Où
est-il allé ? Où est-il allé ? Où est-il allé ? Où est-il allé ? A mes
questions serinées, un soupir répond. Ce léger temps d'hésitation dans
sa réponse me la tatoue comme un mensonge. Les questions sans réponses
donc pour l'enfant qui ne peut rien si ce n'est sauté au cou du père
enfin revenu ! Les choses s'assombrissent. Rien n'est plus drôle. Les
copains se lasseront de cette quotidienne langueur. Ils seront nombreux
ces automnes au cœur de l'été.
L'adolescent
tentera une réponse. En cachette, le suivre. Une rue, deux rues. Un
café, des bières, des rires avec d'autres hommes, un billard et beaucoup
de cigarettes. Contraste familial. Les hommes seuls s'aiment. Est-ce la
raison de mon isolement en internat ? M'éviter les éclaboussures de l'infernal familial ? Préserver cette immaculée enfance pourtant déjà salie de mensonges, de silences ? Adulte, les cafés bruyants m'angoissent. Mais aussi les fêtes foraines, les défilés colorés, les foules hurlantes, les tables dominicales.
Sur
son dernier lit, lié aux machines, il ne peut plus quitter la maison
bientôt vide. Alors elle vient savourer sa victoire enfin, déjà crêpée
de noir, veuve de pacotille. Lui échapper une dernière fois. Sortir du
monde comme échapper à sa famille. Mon papa se meurt.
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