samedi 10 novembre 2012

38 - Départs

p282Les rideaux frissonnent. De nouveau, la maison se vide, froide, lente. Les marbres du sol zèbrent la mélancolie. Du fond de sa cuisine, une femme appelle pour me distraire de la peur irrépressible. Où est-il allé ? Où est-il allé ? Où est-il allé ? Où est-il allé ? Où est-il allé ? A mes questions serinées, un soupir répond. Ce léger temps d'hésitation dans sa réponse me la tatoue comme un mensonge. Les questions sans réponses donc pour l'enfant qui ne peut rien si ce n'est sauté au cou du père enfin revenu ! Les choses s'assombrissent. Rien n'est plus drôle. Les copains se lasseront de cette quotidienne langueur. Ils seront nombreux ces automnes au cœur de l'été.

p283L'adolescent tentera une réponse. En cachette, le suivre. Une rue, deux rues. Un café, des bières, des rires avec d'autres hommes, un billard et beaucoup de cigarettes. Contraste familial. Les hommes seuls s'aiment. Est-ce la raison de mon isolement en internat ? M'éviter les éclaboussures de l'infernal familial ? Préserver cette immaculée enfance pourtant déjà salie de mensonges, de silences ? Adulte, les cafés bruyants m'angoissent. Mais aussi les fêtes foraines, les défilés colorés, les foules hurlantes, les tables dominicales.



Sur son dernier lit, lié aux machines, il ne peut plus quitter la maison bientôt vide. Alors elle vient savourer sa victoire enfin, déjà crêpée de noir, veuve de pacotille. Lui échapper une dernière fois. Sortir du monde comme échapper à sa famille. Mon papa se meurt.
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