On a oublié quoi, dans la valse des souvenirs ? Plein
de choses, évidemment ! A commencer par la chronologie. Mais aussi les
évènements eux-mêmes : ce qui est remonté à la surface, c'est une
narration, forcément erronée. L'essentiel y est, pas de doute. C'est
même ainsi que ça s'est déroulé. Mais le passé est-il susceptible de
remplir le présent ?

Ma
liaison avec Bruno, qui a duré quelques mois, ne s'est pas exactement
arrêtée lorsqu'il m'a avoué être séropositif. Ce jour-là, oui, je me
suis sauvé. Apeuré. Affolé. Nous nous sommes revus peu de temps après.
Il n'osait pas revenir vers moi. C'est moi qui y suis allé. Nous sommes
"ressortis" ensemble pour quelques semaines encore. Ce n'est pas sa
séropositivité qui nous a séparé car c'est vrai qu'il fut tout le temps
précautionneux. Trop peut-être. Non, c'est son entêtement à vouloir me
faire divorcer puis à vivre avec moi dans l'appartement que j'avais
emménagé...J'ai jamais aimé qu'on me force la main.
Nous
nous sommes séparés donc. Trois jours après, il avait trouvé un nouveau
compagnon qui n'a pas su s'occuper de lui, de sa santé. Bruno, infecté
et sous AZT depuis 1987, s'est écroulé un dimanche matin, sur un
trottoir : rupture d'anévrisme. Il venait d'avoir 39 ans.
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