Accoudé au parapet du petit pont, peu à peu s'épaissit le marais. Au-delà de ce gouffre inquiétant – sans fond, croit-il – les lumières de Saint-Nazaire scintillent. Le jeune homme les envie avec intensité, une cigarette volée aux lèvres.
- Là-bas, se dit-il. C'est là-bas que sont mes frères.
Là-bas,
aux alentours de ce parc entr'aperçu l'après-midi même par la vitre de
la voiture. Il n'a vu personne mais son cœur s'est mis à battre alors.
Trop fort pour lui mentir. Il se fait peur :
Ce
soir-là, hypnotisé par le spectacle de l'ombre et des lumières, il
confond. Peut-être à cause de son jeune âge, il se croit l'âme noire
comme ces marécages glauques qui s'étalent à ses pieds. Trop jeune, il
ne sait pas regarder. Il ne voit que ce qui se voit. Mille sons –
inconnus – autant d'odeurs lui rendent l'âme confuse. Il ignore toute
l'alchimie complexe qui le compose et ne peut soupçonner que lui-même
soit aussi complexe.
Il
ne ressent que la difficulté à gérer à la fois cet appel des lumières
où se tiennent ses frères et cet ordre que lui crie son père de la
maison. Il doit rentrer, il se fait tard. Il plie à l'ordre, jette son
mégot, rentre – incertain du chemin à suivre. Le lendemain, je tenterai
d’aplanir mes doutes dans les vestiaires de la piscine en confrontant
mon corps de 14 ans à ceux des autres.
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