vendredi 1 mars 2013

62 - Colère




Le rien. Le néant. Le vide. Comme tari. Eteint. Silencieux. Pas un mot. Allongé, inerte, nu, sur le sol. Les yeux clos, s'ils le veulent, que m'importe ce qu'ils veulent ! Une imperceptible ondulation me secoue l'échine. Une émotion se précipite, enfouie de loin, qui me vient du fond d'un passé jusque là bien canalisé pour m'éviter une fin certaine et attendue. Elle monte, lame de fond, balaie tout sur son passage. Tordu d'une douleur sans nom. Tsunami d'images, de sons aussi, mêlés. Parfois, à peine, une sensation. Evocation impossible.



 A quoi servent-ils, ces mots ? Pourquoi les chercher ? Les convoquer ? Les placer, les tresser, les préciser ? A quoi bon la parole puisqu'elle ne meuble pas le rien. Puisqu'elle n'abolit le néant ni ne comble le vide. Seuls, trois syntagmes – incohérents à force de répétitions – décousent chaque instant : Che-Nen est mort. Colère. Contre ces mots devenus inutiles, stériles, infertiles.




Vaine logique. Les mots... Ne servent plus. Ne désignent plus. N'expriment plus. Il faut pourtant remonter, non ? Le geste alors ! Et quoi ? Les mains et le front ensanglantés – mon genou droit aussi – ne suffisent pas à engourdir cette douleur-là. Même le cri sourd silencieusement.
Vaincu, terrassé par cette colère bestiale. Effondré sur une chaise, la fenêtre aveugle. Les doigts enchevêtrés pour des sages mains. Les chevilles emmêlées pour des jambes au repos. Et tel Prométhée, cette mort ignominieuse me dévore. 

Aucun commentaire: