La tête de Che-Nen à
l'embrasure, l'air mutin. A peine entré, vautré sur le canapé du salon. Nu. Son
corps tressaille, les deux mains au visage. Il rit. Comme je me penche, de ses
yeux noirs perlent des larmes silencieuses. Les capter d'une lèvre avant
qu'elles n'expriment totalement leur tristesse. Trop tard, son corps déjà froid
me glace.
L'eau brûlante de
cette douche saurait-elle, pourrait-elle, devrait-elle anesthésier ma douleur,
éloigner de ma mémoire le danger ? Pourquoi ce corps dans mon salon ainsi
offert tandis que son cadavre gît à Ishigaki-jima ! Soudain, une ombre s'étale
sur mon visage. Che-Nen se penche sur moi. Me parle-t-il ? Ses lèvres
silencieuses miment des mots. Du Chinois, me semble-t-il mais je ne parviens
pas à l'interpréter, les tons manquent. Ce visage vide, sans sons, sans éclats,
décoloré -- m'effraie. Mais pourquoi ce rire soudain, surprenant qui n'éclaire
rien.
La main de l'hôtesse
secoue mon épaule avec tact. Le vol AF291 – attrapé à Kensai International,
Osaka à 12:16 hier– entame son approche sur Paris. Assoupi au creux du siège,
indifférent aux autres, je sors de mon cauchemar. Paris est vraiment laid sous
la pluie. Ou je n'ai pas envie de voir la beauté des choses. Après la douche –
une vraie cette fois – , le rêve me revient et m'effondre au lavabo... Lui
aussi aurait apprécié ce voyage de retour. Aux origines. Vers les siens.
Faire le voyage de
retour, regagner le port peut se dire [fǎn háng], en Chinois :
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