Une
mélopée, lente. Un chant sans origine précise qui distille un poison
qui vous engourdit l'esprit qui ne sera plus vraiment aussi alerte – on
le sait, on le sent bien à ces tout petits riens ridicules, minuscules,
qui scrofulent, écrouellent, fistulent chaque jour, les rendant toujours
plus invivables mais tout de même vécus : on s'habitue si vite à la
laideur honteuse d'une cicatrice mal refermée, n'est-ce pas ? Un chant,
donc. Interminable mélopée. La trente-neuvième nuit s'amenuise
lentement. Mais le quarantième jour refuse de poindre. Il semble
pourtant prometteur puisque, enfin, le labyrinthe se résout. Timidement,
un mot après l'autre, une toile, confuse encore, se défroisse et renoue
des dialogues. Avec l'un. Avec l'autre. Peu importe mais des inconnus.
Tant
de douleurs ruminées, enfin anesthésient. Le visage tordu de
souffrances de nouveau, au miroir, s'accepte. Si, ça et là, persistent
encore des larmes, ces parfaits quidams ne les relèvent pas, trop polis.
En ce sens, parfaits. L'anonymat d'un réseau, antinomie virtuelle, me
comble.
La
disparition du corps – à jamais emporté par des vagues (chaque instant
depuis trente-neuf jours remplit cet office) – se métamorphose en une
notion acceptable. Admettre ce dernier regard posé sur moi comme étant
le dernier. Et puis, plus rien ? Rien. Rien. Rien. Rien. Rien. Rien. Rien. Rien. Rien. Rien. Rien.
Un
son déchire le calme de ce petit matin. Mon homme m'appelle. D'aussi
loin – lui aussi réveillé par cette même plainte ? – quarante jours
bientôt, et trente-neuf nuits de silence l'inquiètent. Doucement, ses
mots chuchotés, un à un, redessinent le souvenir si lointain de son
corps noir. Phrase après phrase, le contour de mon amour se précise et
m'impressionne. La nuit délaisse enfin la chambre, l'appartement, la
ville au-delà. Le jour, tout à fait levé désormais, contraste avec cet
amour noir.
Une
dernière fois me tourner vers ce passé. Là-bas, à Ishigaki, sur la
plage, le vieux souvenir d'un jeune corps échoué. Mais là-bas. Loin
d'ici. J'ai connu, il y a une vingtaine d'années, un amour. Maki a
raison. Che-Nen doit rester là-bas. C'est bien ainsi. Maki est ma
raison.
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