vendredi 13 février 2015

04 - Lettre n°1


Recopier mot à mot (ou presque : les noms de personnes et lieux sont modifiés ; certains, déjà évoqués, renvoient à des posts) est une tâche compliquée : si les mots sont souvent banals ou les situations trop personnelles, pour toucher qui que ce soit d'étranger à l'affaire, les rencontrer de nouveau me submerge souvent ce qui m'oblige à de longues pauses émouvantes et fait ressurgir tant d'autres souvenirs !




Lettre n°1

de B......., le 25 février 1999, 17h20.


Papa,
Voilà presque un quart d'heure que je suis tétanisé par ces quatre lettres... Il y a si longtemps que je n'ose les prononcer dans ce sens-là (de "mon" papa)...et si longtemps que j'ai eu à l'écrire, ainsi en en-tête.
Si je me décide à t'écrire, c'est parce qu'il y a trop longtemps que l'occasion se présente. Et que je n'ai jamais eu le culot, ou le courage, ou tout simplement l'envie de le faire.
Si je me décide à t'écrire, c'est parce que cela fait trop longtemps que je n'ai eu l'occasion de te voir. Et cela me manque beaucoup. Admettons que je sois loin de France. Ou si tu préfères que ce soit toi qui s'est retiré loin d'ici.
Enfin, si je me décide à t'écrire, c'est parce que je me sens -- et je me sais -- seul : voilà des années que je tente d'écrire à...à qui ? des amis, parait-il...à Jym, à 2H... Et aucun ne me répond. Ou partiellement, ou irrégulièrement... Ou pas du tout ! Du coup, pour le coup, j'en prends mon parti : puisque ceux-là m'ignorent, c'est que je suis ignoré. Alors, écrire dans ces conditions, oui mais tant qu'à faire, à quelqu'un qui aura au moins une bonne raison de ne point me répondre.
Aujourd'hui, il fait beau. C'est vrai que là où tu es, le temps tu t'en fiches, puisqu'il doit toujours y faire beau. C'est sans doute ces rayons de soleil intermittents mais si bienvenus qui m'ont provoqué ce je-ne-sais-quoi à l'âme et qui me pousse à cette folie : écrire à mon père !
Ecrire pour te donner de mes nouvelles. Puisque tout le monde s'en fiche, je sais que toi non. Je sais que je suis ton fils adoré, que tu m'as toujours aimé et que ton apogée fut mes premiers cris à ma naissance qui t'ont appris que je serai enfin ton fils.
J'ai la certitude de cette fierté-là bien que tu ne t'en sois jamais déliée...d'abord parce que je l'ai vécue, ensuite parce que je vois combien mon beau-père est amer de voir son propre fils d'une stérilité amoureuse encrassée. Bref, je sais. Je le sais aussi aux souvenirs de ces mots et de cette tristesse qui les habillait dans la bouche d'un de mes élèves, jeune père d'un enfant mort-né. Le sort -- ou le hasard -- voulait qu'il portât le même prénom que moi ! Ainsi vont les choses, en une cruelle ritournelle enivrante.
Le temps me manque. L'heure passe. Il me faut te quitter. A bientôt.

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