mercredi 25 février 2015

08 - Lettre n°5

 (1) Mon épouse avait cet extraordinaire réflexe de toujours répondre par un "non". Quitte, si la réponse devait être logiquement positive, à poursuivre par un "mais" ou un "ceci dit" alambiqué... Et si la logique ne passait pas, elle n'hésitait jamais à affirmer à son interlocuteur la mauvaise formulation de son propos.




                                               Lettre n°5
                                                   de B......., le 09 avril 1999.


                                         Papa,
Le printemps semble revenu : les bourgeons éclatent. Mais comprenne qui pourra : rien ne va. voici un meuble bas, dans le vestibule d'entrée. Propre, repeint de frais, mignon. Poser ses affaires dessus ? Que nenni ! "Affaires", beaucoup dire ! Quoi au juste ? Un porte-monnaie, un mouchoir, ce qui encombre les poches lorsque tu sors... Mais non ! Il est  juste là pour des mouchoirs dans ses tiroirs. C'est écœurant comme le beau devient, tout à coup, encombrant, gênant, laid.
Une journée seul, hier. Les autres étaient allés s'amuser à la Mer de sable. Tu connais pour m'y avoir emmené, gamin. Ils reviennent vers 19h30. Content de leur retour, j'aimable à qui mieux-mieux, je dis sincèrement que j'aime. Question : "Tu n'as rien fait aujourd'hui ?" "C'est incroyable, il reste tant de choses à faire et j'ai l'impression d'être la seule à en avoir conscience ! " C'est écœurant comme l'amour devient, tout à coup, encombrant, gênant, haineux.
Ce matin, elle part travailler sans dire au revoir, sans un seul bisou. La raison ? Une dispute ! Pourquoi ? Voici l'affaire : ton petit-fils, hier, a acheté un pistolet à eau... La conversation finit par rouler sur les carabines à plomb. Évocation d'un souvenir personnel : "Lorsque j'étais plus jeune, nous en avions une..." Réponse-missile (1) : "Ah bon ? Mais non ! Je ne te crois pas ! Tu dois confondre ! C'est étonnant !" Rétorque : "Mais puisque je te le dis !" Il parait que sa "remarque" était gentille. Je n'y ai vu que dénégation...
Et supporter tout cela alors que le printemps semble revenu et que les bourgeons éclosent... A te faire regretter l'hiver et ses bourrasques neigeuses.
Bisous à toi.

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