samedi 30 juin 2012
vendredi 29 juin 2012
36 - Amenuisement
« Y'en
a, vraiment... Mais vous, vous êtes propre ! » Le type sur le siège
passager – que je ramène dans son quartier – exprime sa joie ainsi.
Content de vivre, le gamin, parce que sa capote était restée
nickel-propre en ressortant... Lui dire qu'il peut me tutoyer
désormais ? A quoi bon ?

Peut-on ?
Doit-on ? Pourquoi faire le deuil d'un amour ? Tout s'amenuise : la
chaleur suffocante de ces derniers jours, le gamin satisfait à l'aube de
sa vie, l'histoire de Maki.
dimanche 24 juin 2012
28 – Egaré


De fait se métamorphose-t-il en extraordinaire. Qu'aucune douche ne parvient à nettoyer. Usant.
Les
mots d'habitude si paternels ne me protègent plus. Cette absurde
sensation d'être égaré en terre étrangère s'insinue au creux de tous les
pores de ma peau. A la caisse de cet hypermarché – noyé par les bruits
infernaux d'une journée ordinaire qui s'achève enfin – mon regard humide
croise celui de ce bébé. Effrayés, perdus, lui et moi. 52 ans devraient
nous séparer. 52 ans nous relient. Lui commence, je termine – tous deux
égarés.
35 – Chaud et froid
- Pour offrir...mon fils...
Ce
dernier Jean-Paul Gaultier s'ajoute au jeans Benetton, au pull Dior, à
la paire de Feiyue... Non-exhaustive. A chaque fois, une petite saynète
sur mesure. Pour me permettre d'affronter la cruauté des regards. L'illusion d'une nouvelle carapace pour oser affronter les pluies acides de ce quotidien devenu con.

Il
insiste. Alterne voix sèche et ton humide. Un regret pointe ? Erreur !
Ma faute à moi ! En fin de compte, mes boutiques sont sa punition. Noyé
par l'absence d'argent, rejeté par le désert des relations... Loin de
tout, condamné à sentir le monde de loin.
mardi 19 juin 2012
34 – Stupeur
Le
flot me porte ou est-ce moi qui navigue parmi eux ? Les gens
déambulent, rient, se parlent au sein de grappes grouillantes. Les
chariots encombrent la galerie marchande. Des éclats de voix, des
visages avenants, étranges, singuliers, tous pareils. Incompréhensibles.
Tout cela n'a vraiment aucun sens.
Alors
je stoppe tout : acheter, me nourrir, me distraire. A quoi bon tout
ça ? La saveur peu à peu disparait. Mon chariot bloque le flot. Ils
râlent mais je m'en fous. Plus rien ne m'atteint puisque plus rien ne
m'importe. Flotter, planer, s'isoler.
Salvatrice
stupeur paralysant la réalité, du coup indolore. Mon regard se vide,
s'éteint. Du moins je le veux ainsi. Il semble que la noyade soit
évitable si je bloque l'extérieur. Regarder, ne rien voir. Entendre, ne
rien comprendre. Ils ne sont qu'une façade ridicule. Des larmes viennent
troubler ma vue.
Être nerveux encore après la terreur peut se dire [jīng hún wèi dìng] en Chinois :
vendredi 15 juin 2012
33 – Folie
Les mêmes affres. Celles de la séparation. Coupure. Culpabilité.
Ma
laideur. Insultes, crachats épais au miroir. Insomnies, cauchemars,
sanglots sanglants. Saleté du corps, odeurs repoussantes fidèles à
l'image renvoyée. Appétit minimal, kilos à perdre puisqu'il me rejette.
Et
des sms. Une logorrhée de sms. Toute la nuit. Un torrent. Une rivière.
Un fleuve enfin. Des mots méchants, hideux, sales. Mouillés des larmes
salées. Et puis des excuses. Plates. Inutiles. Vaines. Aucune réponse de
toute manière. N'importe quoi ensuite : kvidjio gugodgiojov
hdyeèyeèyzèe zyèysy dydèsyt èdystèy dètyrèisytièhèifhè resd hf. Ou
quelque chose dans ce genre-là.
Et
on éteint le portable. Eviter qu'il ne serve de potence. Il y a bien
une vague idée de mort volontaire. Mais lointaine, l'idée. Evanescente,
puisque j'écris ici que... Sauter en l'air... Boum !
jeudi 14 juin 2012
32 - Usures
Le
jour s'ébroue enfin. Projetés telles des gouttes, des souvenirs
étincellent dans l'encore-nuit de la chambre silencieuse. Parmi eux, ce
regard foncé qu'une bougie ne parvenait que faiblement à éclairer. Le
voulait-elle, d'ailleurs ? A quoi bon, puisqu'il réintégrera sa caserne,
dimanche soir à Karlsruhe ! A quoi bon l'éclairer ? L'imprimer, le
retenir, son visage émacié dans ma mémoire. ? Nous fêtions mes 19 ans,
ce vendredi soir-là.
Amis,
nous disions-nous. Amants, je fantasmais, depuis nos 17 ans. Et là,
vêtu de son uniforme kaki, la nuque rasée, adjudant très mâle, il
abandonnait sa jeunesse houleuse par de vagues allusions graveleuses. Le
jeu de cartes ne fut qu'un prétexte pour lui. Ma première nuit dans les
draps d'un mec.
Pourquoi
est-ce ce vieux souvenir d'une première fois qui me revient en
mémoire ? Maki parti, dois-je vraiment revoir défiler tous ceux-là qui
ont compté ? Pierre-Maki : deux bornes séparées de 32 ans. Tracer une
ligne entre eux, qui ne sera jamais droite. Mes 52 ans n'y feront rien :
c'est toujours aussi usant d'être quitté.
mardi 12 juin 2012
31 – 送别 Adieux
La
place se vide. Bientôt déserte, je la traverserai, seul. Nul, à mes
côtés, ne me dira la direction. Reconstruire un quotidien. Hésitations
d'un enfant de 52 ans...ridicule ? On s'en fout, la place est vide.
Recherche
de bras paternels. Mais où se rendre ? La quête d'une vie entière,
peut-être vaine. Et la quête. Et la vie. La vie se vide. Bientôt
déserte, je la traverserai seul. Ou pas. Rester au bord de cette
route-là. Fatigué. Usé.
Dégoûté
et écœuré. Vidé. Veillées funèbres pour des serments trahis. Oraisons
des amants. Lui dire adieu, puisqu'il le faut. Mais comment ?
Faire ses adieux à quelqu'un, en Chinois, peut se dire [sòng bié] :
(La photo du couple est issue du blog de EPIPHANYNoir, extraite de l'article Danza Del Inamorato en date du 22 mai 2012. Merci de visiter ce superbe blog de Christopher Cushman)
dimanche 10 juin 2012
30 – 隔膜 Malentendu (partie 3/3) : La fatigue
Maki
est parti. La porte a claqué ? Même pas ! Cruelle douceur. Des larmes.
Les miennes, entrecoupées de hoquets. Monde sans valeur. Monde sans
saveur. Les mots atones résonnent dans mon tympan. Douleur muette. Maki,
à jamais, parti. Trahi.
Mon
père me manque. Me consoler de cette immonde tristesse. La fatigue,
comme nécessaire, devient l'ossature, le squelette, la structure d'un
quotidien liquide, informe, dégoûtant. Blessé.
Le
malentendu éclairé. Maki est parti. La porte résonne encore à mes
oreilles. Cruelle douleur stridente au dedans de ma poitrine. Indicible
déchirement. Le monde s'émiette.
jeudi 7 juin 2012
29 – 隔膜 Malentendu (partie 2/3) : La montre
Le
temps ne me soucie vraiment pas. Le présent, parfois parcouru d'un
frisson nostalgique, se suffit à lui-même. Le premier vrai miracle
consistant à le vivre tel. Aussi cette montre à mon poignet...
Peut-être ? Depuis, le temps – devenu corps mort – se liquéfie. Chaque
chose, avant si précieuse, témoin d'une Vie illogique, devient inutile,
absurde. Aussi cette montre...

M'aimes-tu ?
La question paraît pourtant si simple, naturelle. Une réponse
alambiquée ne s'imposait pas. La logique aurait voulu un « oui » voire
un « non ». Aussi ce « peut-être » s'est avéré singulièrement
dévastateur. Peut-être quoi ? Peut-être tu m'aimes ? Peut-être tu ne
m'aimes plus ? Peut-être tu ne m'as jamais aimé ? Le doute, curare
instillé par cette réponse sibylline, me paralyse.
Le
temps se déstructure. Tout glisse. Et je regarde sans les voir, les
choses se produire, indifférent au quotidien. Aussi, pour lui rendre une
adhérence, la montre s'est imposée. Du moins permet-elle de l'ossifier,
de le rendre consistant.
lundi 4 juin 2012
28 – 隔膜 Malentendu (partie 1/3) : Peut-être
Des
ouvriers viennent de terminer l'enduit de la façade de la maison. Rouge
orangé. Logique, depuis tout petit, je lui ai toujours connu cette
teinte. Au fond du parc, un rideau de peupliers ondule allègrement au
gré du vent d'Est. Les feuillages bruyants sont d'un vert bistre. Au
de-là, le ciel est bleu, parfumé des embruns du soleil couchant.
Peut-être...
Rien
de tout cela ne semble évident. Ni logique ni naturel pourtant. Ce
décor s'encadre dans la fenêtre depuis des années pourtant. C'est là.
C'est attendu. Quelques hirondelles strient l'azur, revenues d'Afrique
récemment, confiantes de retrouver leurs nids.
Maki vient de me répondre « peut-être ».
L'incompréhension, le malentendu, peut se dire [gé mó] en Chinois :
samedi 2 juin 2012
27 – 温故知新 passé présent
« Quand
tu auras décidé ne plus vouloir de moi, je reviendrai ici t'attendre. »
Mon pied martèle le sol poussiéreux, insiste pour imprimer sa mémoire.
L'aura-t-il compris, cet état lamentable dans lequel il me jetterait
s'il lui prenait de me quitter ?
« Comme
absent de mon corps, aveugle et sourd. Une descente abyssale. » Les
mots tentent de baliser un avenir que je redoute. Tracer un chemin que
Maki puisse emprunter pour me secourir. Le lieu originel de notre
histoire, juste derrière ce banc, au pied d'un pin sec, noueux, odorant.
Cet
endroit loin d'ici, j'y reviendrai. Cet été. Une dernière fois puis
plus jamais. Le fuir, redouter un enfer connu. Tant de jours passés à
attendre Che-Nen en son temps ! Blessures, encore mal refermées, qui se
rouvrent sous les silences de Maki. Mon corps tout entier refuse ce supplice annoncé. Moqué, humilié, déchiqueté par la douleur de la perte.
Se souvenir du passé pour comprendre le présent, [wēn gù zhī xīn] :
58 – Mentir (partie 3/3)
D'où tu viens ? Sa question finit de déchirer le voile opaque de la nuit. L'odeur du café abolit mes espoirs. D'où tu viens ?, insiste-telle. En quatre mots, la douceur de Che-Nen devient un lointain souvenir. A quoi bon les mensonges ? Avec la nuit déchirée, les mots me viennent. Logorrhée sans pudeur – trop longtemps retenue – les mots dressent peu à peu un territoire inconnu, de moi et d'elle.
Un fou. Un fou égal de Dieu exprime une vérité compliquée. Toujours trompeuses, les apparences arrangent tout le monde, chacun sa part. Le père côtoie le mari qui héberge l'amant qui cache un pédé. Hypocrisie d'une décennie décevante. Désertés, les lits conjugaux se meuvent en enfers. La vérité, une fois énoncée, ne modifie pas la réalité ! Et même, contribue-t-elle à la fausser encore un peu plus.
Convenances
respectées ? Alors tout va bien. Pas de capotes ? Pas d'amants ! Après
dix ans de ce quotidien à la Feydeau, un malaise. Bref, sérieux.
D'autres suivront, tous traités isolément. La mosaïque nécessite du
recul. 2001, tel un tsunami, le mogwaï déferle. Enfin, un monde vrai ?
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