jeudi 14 juin 2012

32 - Usures


p230
Le jour s'ébroue enfin. Projetés telles des gouttes, des souvenirs étincellent dans l'encore-nuit de la chambre silencieuse. Parmi eux, ce regard foncé qu'une bougie ne parvenait que faiblement à éclairer. Le voulait-elle, d'ailleurs ? A quoi bon, puisqu'il réintégrera sa caserne, dimanche soir à Karlsruhe ! A quoi bon l'éclairer ? L'imprimer, le retenir, son visage émacié dans ma mémoire. ? Nous fêtions mes 19 ans, ce vendredi soir-là.
p227
Amis, nous disions-nous. Amants, je fantasmais, depuis nos 17 ans. Et là, vêtu de son uniforme kaki, la nuque rasée, adjudant très mâle, il abandonnait sa jeunesse houleuse par de vagues allusions graveleuses. Le jeu de cartes ne fut qu'un prétexte pour lui. Ma première nuit dans les draps d'un mec.
Pourquoi est-ce ce vieux souvenir d'une première fois qui me revient en mémoire ? Maki parti, dois-je vraiment revoir défiler tous ceux-là qui ont compté ? Pierre-Maki : deux bornes séparées de 32 ans. Tracer une ligne entre eux, qui ne sera jamais droite. Mes 52 ans n'y feront rien : c'est toujours aussi usant d'être quitté.
p229

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