Le
jour s'ébroue enfin. Projetés telles des gouttes, des souvenirs
étincellent dans l'encore-nuit de la chambre silencieuse. Parmi eux, ce
regard foncé qu'une bougie ne parvenait que faiblement à éclairer. Le
voulait-elle, d'ailleurs ? A quoi bon, puisqu'il réintégrera sa caserne,
dimanche soir à Karlsruhe ! A quoi bon l'éclairer ? L'imprimer, le
retenir, son visage émacié dans ma mémoire. ? Nous fêtions mes 19 ans,
ce vendredi soir-là.
Amis,
nous disions-nous. Amants, je fantasmais, depuis nos 17 ans. Et là,
vêtu de son uniforme kaki, la nuque rasée, adjudant très mâle, il
abandonnait sa jeunesse houleuse par de vagues allusions graveleuses. Le
jeu de cartes ne fut qu'un prétexte pour lui. Ma première nuit dans les
draps d'un mec.
Pourquoi
est-ce ce vieux souvenir d'une première fois qui me revient en
mémoire ? Maki parti, dois-je vraiment revoir défiler tous ceux-là qui
ont compté ? Pierre-Maki : deux bornes séparées de 32 ans. Tracer une
ligne entre eux, qui ne sera jamais droite. Mes 52 ans n'y feront rien :
c'est toujours aussi usant d'être quitté.
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