De
la meute qui s'écharpait en cette fin d'après-midi de septembre, un peu
lourde des restes de l'été, il était là, au centre de tous, immense,
paisible, très sûr de lui. Il était déjà en cinquième, avait redoublé sa
sixième. Un grand, quoi !
Nos
regards se sont croisés. Aucun mot prononcé. Il m'a plu. Je n'ai jamais
su comment il s'était débrouillé pour arrimer son lit dans mon box, au
dortoir. Thierry a été beaucoup de choses à la fois durant les deux ans
qui ont suivi : un frère, un père, un amant.
Entrer
dans l'adolescence. Quitter l'enfant que j'étais encore en cette
rentrée en sixième dans cet internat de province. Trouver un feu pour
chauffer mes jeunes os, me guider dans ce bordel immense qui
s'annonçait. Il a fait tout ça. Pour moi. Que pour moi. Orphelin de
père, il a été un vrai tuteur. Le mien me manquait, il l'a remplacé.
Thierry
jouait les durs. J'aimais Pink Floyd et les livres. Il adorait Ted
Nuggent et la mécanique. Il a quitté très tôt, en quatrième, l'école
pour la vie active. J'ai poussé jusqu'au bac et plus. A 20 ans, bien que
déjà père de famille, il acceptait encore de partager ses nuits avec
moi, bachelier en herbe. Il était caparaçonné de certitudes. J'étais nu,
ceint de doutes et d'angoisses.
Il est mort à 30 ans, bêtement. Je vis encore, bêtement.
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