- « Il est où ? T'es où ? »
Je
cherche mon père dans la maison déjà jaune de soleil. C'est la fin
juillet, en Bretagne. Mon père, c'est l'inconnue des équations
mathématiques, comme on me l'inculquera bien plus tard : on cherche à
savoir qui il est, la valeur qu'il a et sans lui, l'équation est
idiote...
- « Va donc porter ce briquet à ton père ! Tu le verras comme ça ! Il est au pont ! »
Avec
ma mère, nous avons débarqués chez cette cousine qui nous héberge
aimablement dès le début du mois... L'année scolaire a été pénible pour
moi car j'ai subi une lourde opération d'un tympan... On m'a prescrit du
repos... « La Bretagne ? Très bien ! : le grand air, le large,
l'iode... ». Mon père, lui, travaillait encore et n'arrivait donc qu'en
août pour ses congés annuels. Un mois sans le voir m'a paru une
éternité. Il est arrivé par le train dans la nuit puisque j'ai entendu
des bruits tard.
- « A la pêche, déjà ?
- « Ben ouais, tu connais ton père ! »
C'est
le genre de poignard dans le dos, à 10 ans et ½, qui me passent au
dessus de la tête...J'engouffre le petit paquet contenant le sandwich
sous mon maillot de corps et je file vers le pont. Au bout d'une petite
demi-heure de marche sous un soleil de platine, j'aperçois la silhouette
paternelle au loin. Pour l'atteindre, il me faut traverser un simple
champ d'herbes hautes. Je, donc. A peine au milieu, mes petites jambes
s'enfoncent dans des trous de tourbière un peu gluants qui me flanquent
une peur du diable : je vais m'enliser dans le dos de mon père, mourir
étouffer sans qu'il s'aperçoive de rien... Peut-être même va-t-il s'en
ficher ?
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